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MOLL FLANDERS

années, pourtant la sixième je retournai dans mon premier logement à Hammersmith. C’est là que je fus surprise un matin par une lettre tendre, mais mélancolique, de mon monsieur ; il m’écrivait qu’il se sentait fort indisposé et qu’il craignait d’avoir un nouvel accès de maladie, mais que, les parents de sa femme séjournant dans sa maison, il serait impraticable que je vinsse auprès de lui ; il exprimait tout le mécontentement qu’il en éprouvait, ayant le désir qu’il me fût possible de le soigner et de le veiller comme autrefois.

Je fus extrêmement inquiète là-dessus et très impatiente de savoir ce qu’il en était ; j’attendis quinze jours ou environ et n’eus point de nouvelles, ce qui me surprit, et je commençai d’être très tourmentée, vraiment ; je crois que je puis dire que pendant les quinze jours qui suivirent je fus près d’être égarée : ma difficulté principale était que je ne savais pas exactement où il se trouvait ; car j’avais compris d’abord qu’il était dans le logement de la mère de sa femme ; mais m’étant rendue à Londres, je trouvai, à l’aide des indications que j’avais, afin de lui écrire, comment je pourrais m’enquérir de lui ; et là je trouvai qu’il était dans une maison de Bloomsbury, où il s’était transporté avec toute sa famille ; et que sa femme et la mère de sa femme étaient dans la même maison, quoiqu’on n’eût pas souffert que la femme apprît qu’elle séjournait sous le même toit que son mari.

Là j’appris également bientôt qu’il était à la dernière extrémité, d’où je pensai arriver à la mienne, par mon ardeur à connaître la vérité. Une nuit, j’eus la curiosité de me déguiser en fille servante, avec un bonnet rond et un chapeau de paille, et je m’en allai à sa porte,