Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
MOLL FLANDERS

je pus, et fermai le logement à clef ; puis je partis et le trouvai bien malade en effet, de sorte que je lui persuadai de se faire transporter en chaise à porteurs à Bath, où nous pourrions trouver plus d’aide et meilleurs conseils.

Il y consentit et je le ramenai à Bath, qui était à environ quinze lieues, autant que je m’en souviens ; là il continua d’être fort malade d’une fièvre, et garda le lit cinq semaines ; et tout ce temps je le soignai et le dorlotai avec autant de tendresse que si j’eusse été sa femme ; en vérité, si j’avais été sa femme, je n’aurais pu faire davantage ; je restais assise auprès de lui si longtemps et si souvent, qu’à la fin il ne voulut pas que je restasse assise davantage ; en sorte que je fis mettre un lit de veille dans sa chambre, et que je m’y couchai, juste au pied de son lit.

J’étais vraiment sensiblement affectée de sa condition et des appréhensions de perdre un ami tel qu’il était et tel qu’il serait sans doute pour moi ; et je restais assise à pleurer près de lui pendant bien des heures ; enfin il alla mieux, et donna quelque espoir, ainsi qu’il arriva d’ailleurs, mais très lentement.

S’il en était autrement que je ne vais dire, je ne répugnerais pas à le révéler, comme il est apparent que j’ai fait en d’autres cas ; mais j’affirme qu’à travers toute cette liaison, excepté pour ce qui est d’entrer dans la chambre quand lui ou moi nous étions au lit, et de l’office nécessaire des soins de nuit et de jour quand il fut malade, il n’avait point passé entre nous la moindre parole ou action impure. Oh ! si tout fût resté de même jusqu’à la fin !

Après quelque temps, il reprit des forces et se remit assez vite, et j’aurais enlevé mon lit de veille, mais il ne voulut pas me le permettre, jusqu’à ce qu’il pût s’aven-