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MOLL FLANDERS

qu’il commença chaque jour de trouver des défauts à mes habits, à mes dentelles, à mes coiffes ; et, en un mot, il me pressa d’en acheter de plus beaux, ce dont j’avais assez d’envie, d’ailleurs, quoique je ne le fisse point paraître ; je n’aimais rien mieux au monde que les beaux habits, mais je lui dis qu’il me fallait bien ménager l’argent qu’il m’avait prêté, sans quoi je ne pourrais jamais le lui rendre. Il me dit alors en peu de paroles que comme il avait un sincère respect pour moi, et qu’il connaissait ma condition, il ne m’avait pas prêté cet argent, mais me l’avait donné, et qu’il pensait que je l’eusse bien mérité, lui ayant accordé ma société aussi entièrement que je l’avais fait. Après cela, il me fit prendre une servante et tenir la maison et, son ami étant parti, il m’obligea à prendre le gouvernement de son ménage, ce que je fis fort volontiers, persuadée, comme il parut bien, que je n’y perdrais rien, et la femme qui nous logeait ne manqua point non plus d’y trouver son compte.

Nous avions vécu ainsi près de trois mois, quand la société de Bath commençant à s’éclaircir, il parla de s’en aller, et il était fort désireux de m’emmener avec lui à Londres ; j’étais assez troublée de cette proposition, ne sachant pas dans quelle position j’allais m’y trouver, ou comment il me traiterait ; mais tandis que l’affaire était en litige, il se trouva fort indisposé ; il était allé dans un endroit du Somersetshire qu’on nomme Shepton ; et là il tomba très malade, si malade qu’il ne pouvait voyager : si bien qu’il renvoya son laquais à Bath pour me prier de louer un carrosse et de venir le trouver. Avant de partir il m’avait confié son argent et autres choses de valeur, et je ne savais qu’en faire ; mais je les serrai du mieux que