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MOLL FLANDERS

avec une sorte d’adieu final ; le chargement que j’avais apporté avec moi était considérable, en vérité, s’il fût arrivé en bon état, et par son aide, j’eusse pu me remarier suffisamment bien ; mais, comme il était, j’étais réduite en tout à deux ou trois cents livres, et sans aucun espoir de renfort. J’étais entièrement sans amis, oui, même sans connaissances ; car je trouvai qu’il était absolument nécessaire de ne pas raviver les connaissances d’autrefois ; et pour ma subtile amie qui m’avait disposée jadis à happer une fortune, elle était morte et son mari aussi.

Le soin de ma cargaison de marchandises m’obligea bientôt après à faire le voyage de Bristol, et pendant que je m’occupais de cette affaire, je me donnai le divertissement d’aller à Bath ; car ainsi que j’étais encore loin d’être vieille, ainsi mon humeur, qui avait toujours été gaie, continuait de l’être à l’extrême ; et moi qui étais, maintenant, en quelque façon, une femme de fortune, quoique je fusse une femme sans fortune, j’espérais voir tomber sur mon chemin une chose ou une autre qui pût améliorer ma condition, ainsi qu’il était arrivé jadis.

Bath est un lieu d’assez de galanterie, coûteux et rempli de pièges ; j’y allais, à la vérité, à seule fin de saisir ce qui s’offrirait, mais je dois me rendre la justice d’affirmer que je n’avais d’autres intentions que d’honnêtes, et que je n’étais point d’abord hantée par les pensées qui me menèrent ensuite sur la route où je souffris de me laisser guider par elles.

Là je restai toute l’arrière-saison, comme on dit là-bas, et j’y nouai de misérables liaisons qui plutôt me poussèrent aux folies où je tombai qu’elles ne me fortifièrent à l’encontre. Je vivais en agrément, recevais de la bonne