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MOLL FLANDERS

Je le vis devenir pâle, et ses yeux hagards, et je dis :

— Souvenez-vous maintenant de votre promesse, et conservez votre présence d’esprit : qui aurait pu en dire plus long pour vous préparer que je n’ai fait ?

Cependant j’appelai un serviteur, et lui fis donner un petit verre de rhum (qui est le cordial ordinaire de la contrée), car il perdait connaissance.

Quand il fut un peu remis, je lui dis :

— Cette histoire, comme vous pouvez bien penser, demande une longue explication ; ayez donc de la patience et composez votre esprit pour l’entendre jusqu’au bout et je la ferai aussi brève que possible.

Et là-dessus je lui dis ce que je croyais nécessaire au fait même, et, en particulier, comment ma mère était venue à me le découvrir.

— Et maintenant, mon ami, dis-je, vous voyez la raison de mes capitulations et que je n’ai pas été la cause de ce malheur et que je ne pouvais l’être, et que je ne pouvais rien en savoir avant maintenant.

— J’en suis pleinement assuré, dit-il, mais c’est une horrible surprise pour moi ; toutefois, je sais un remède qui réparera tout, un remède qui mettra fin à toutes vos difficultés, sans que vous partiez pour l’Angleterre.

— Ce serait étrange, dis-je, comme tout le reste.

— Non, non, ce sera aisé ; il n’y a d’autre personne qui gêne en tout ceci que moi-même.

Il avait l’air d’être agité par quelque désordre en prononçant ces paroles ; mais je n’en appréhendai rien à cet instant, croyant, comme on dit d’ordinaire, que ceux qui font de telles choses n’en parlent jamais, ou que ceux qui en parlent ne les font point.