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MOLL FLANDERS

sirais dans tout mon dessein et que nous nous séparerions par consentement et de bon gré car je pouvais l’aimer assez bien comme frère, quoique non pas comme mari.

Et pendant tout ce temps il assiégeait ma mère, afin de découvrir, si possible, ce que signifiait l’affreuse expression dont je m’étais servie, comme il disait, quand je lui avais crié que je n’étais pas sa femme devant la loi, ni mes enfants n’étaient les siens devant la loi. Ma mère lui fit prendre patience, lui dit qu’elle ne pouvait tirer de moi nulle explication, mais qu’elle voyait que j’étais fort troublée par une chose qu’elle espérait bien me faire dire un jour ; et cependant lui recommanda sérieusement de me traiter avec plus de tendresse, et de me regagner par la douceur qu’il avait eue auparavant ; lui dit qu’il m’avait terrifiée et plongée dans l’horreur par ses menaces de m’enfermer dans une maison de fous, et lui conseilla de ne jamais pousser une femme au désespoir, quelque raison qu’il y eût.

Il lui promit d’adoucir sa conduite, et la pria de m’assurer qu’il m’aimait plus que jamais et qu’il n’entretenait point de dessein tel que m’envoyer dans une maison de fous, quoi qu’il pût dire pendant sa colère, et il pria aussi ma mère d’user pour moi des mêmes persuasions afin que nous puissions vivre ensemble comme autrefois.

Je sentis aussitôt les effets de ce traité ; la conduite de mon mari s’altéra sur le champ, et ce fut tout un autre homme pour moi ; rien ne saurait être plus tendre et plus obligeant qu’il ne l’était envers moi à toutes occasions ; et je ne pouvais faire moins que d’y donner quelque retour, ce que je faisais du mieux que je pouvais,