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MOLL FLANDERS

verte, on me prendrait pour une créature imprudente qui avait forgé ce mensonge afin d’abandonner mon mari, ou on me considérerait comme folle et égarée. Alors je lui dis comment il m’avait menacée déjà de m’enfermer dans une maison de fous, et dans quelle inquiétude j’avais été là-dessus, et comment c’était la raison qui m’avait poussée à tout lui découvrir.

Et enfin je lui dis qu’après les plus sérieuses réflexions possibles, j’en étais venue à cette résolution que j’espérais qui lui plairait et n’était point extrême, qu’elle usât de son influence pour son fils pour m’obtenir le congé de partir pour l’Angleterre, comme je l’avais demandé, et de me munir d’une suffisante somme d’argent, soit en marchandises que j’emportais, soit en billets de change, tout en lui suggérant qu’il pourrait trouver bon en temps voulu de venir me rejoindre.

Que lorsque je serais partie, elle alors, de sang-froid, lui découvrirait graduellement le cas, suivant qu’elle serait guidée par sa discrétion, de façon qu’il ne fût pas surpris à l’excès et ne se répandît pas en passions et en extravagances ; et qu’elle aurait soin de l’empêcher de prendre de l’aversion pour les enfants ou de les maltraiter, ou de se remarier, à moins qu’il eût la certitude que je fusse morte.

C’était là mon dessein, et mes raisons étaient bonnes : je lui étais véritablement aliénée par toutes ces choses ; en vérité je le haïssais mortellement comme mari, et il était impossible de m’ôter l’aversion fixe que j’avais conçue ; en même temps cette vie illégale et incestueuse, jointe à l’aversion, me rendait la cohabitation avec lui la chose la plus répugnante au monde ; et je crois vrai-