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MOLL FLANDERS

étiez pauvre ? et c’est là ce que j’aurais dû prévoir.

— Eh bien, dis-je, mon ami, je suis bien heureuse de n’avoir pas été mêlée dans cette tromperie avant le mariage ; si désormais je vous trompe, ce ne sera point pour le pire ; je suis pauvre, il est vrai, mais point pauvre à ne posséder rien.

Et là, je tirai quelques billets de banque et lui donnai environ 160 £.

— Voilà quelque chose, mon ami, dis-je, et ce n’est peut-être pas tout.

Je l’avais amené si près de n’attendre rien, par ce que j’avais dit auparavant, que l’argent, bien que la somme fût petite en elle-même, parut doublement bienvenue. Il avoua que c’était plus qu’il n’espérait, et qu’il n’avait point douté, par le discours que je lui avais tenu, que mes beaux habits, ma montre d’or et un ou deux anneaux à diamants faisaient toute ma fortune.

Je le laissai se réjouir des 160 £ pendant deux ou trois jours, et puis, étant sortie ce jour-là, comme si je fusse allée les chercher, je lui rapportai à la maison encore 100 £ en or, en lui disant : « Voilà encore un peu plus de dot pour vous, » et, en somme, au bout de la semaine je lui apportai 180 £ de plus et environ 60 £ de toiles, que je feignis d’avoir été forcée de prendre avec les 100 £ en or que je lui avais données en concordat d’une dette de 600 £ dont je n’aurais tiré guère plus de cinq shillings pour la livre, ayant été encore la mieux partagée.

— Et maintenant, mon ami, lui dis-je, je suis bien fâchée de vous avouer que je vous ai donné toute ma fortune.

J’ajoutai que si la personne qui avait mes 600 £ ne