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peine d’argent qu’ayant un ami pour vous recommander, vous en perdiez le bénéfice faute de cette somme.

» — Et oui, c’est ainsi, en vérité, Amy, dit-il. Mais que peut faire un étranger qui n’a ni argent ni amis ? »

Ici Amy se remit à parler de moi.

« Ah ! dit-elle, c’est ma pauvre maîtresse qui y a perdu, quoiqu’elle n’en sache rien. Ô Dieu ! quel bonheur c’eût été. Assurément, monsieur, vous l’auriez aidée autant que vous l’auriez pu !

» — Certes, Amy, répondit-il, je l’aurais fait de tout mon cœur ; et, même comme je suis, je lui enverrais quelques secours, si je pensais qu’elle en eût besoin, n’était que lui faire savoir que je suis vivant pourrait lui causer quelque préjudice, au cas où elle s’établirait ou épouserait quelqu’un.

» — Hélas ! reprit Amy. Épouser ! Qui voudra l’épouser dans la pauvre condition où elle se trouve ? »

Et leur entretien se termina, là-dessus, pour cette fois.

Tout cela n’était que mots en l’air des deux côtés, bien entendu ; car, en s’informant mieux, Amy trouva qu’on ne lui avait jamais offert aucune commission de lieutenant ni rien de semblable, et qu’il avait, en causant, passé d’une divagation à une autre. Mais on verra cela en son lieu.

Vous pouvez croire que cette conversation, telle qu’Amy me la rapporta d’abord, me toucha au plus haut degré. Je fus un moment sur le point de lui envoyer les huit mille francs pour acheter la commission dont il avait parlé. Mais, comme je connaissais son caractère mieux que personne, je voulus examiner la chose d’un peu plus près. Je chargeai donc Amy de s’informer auprès de quelque autre cavalier, pour voir de quelle réputation il jouissait, et s’il y avait ou non quelque fondement à cette histoire d’une commission de lieutenant.

Amy ne fut pas longue à arriver à se faire une plus juste idée de lui, car elle apprit du premier coup qu’il avait le renom d’une parfaite canaille ; que rien de ce qu’il disait n’avait aucun poids ; mais qu’il n’était en somme qu’un simple aigrefin, un individu uniquement appliqué à attraper de l’argent, et qu’il n’y avait à compter sur aucune de ses paroles. À propos de la