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la liberté d’emmener ma femme de chambre Amy, et nous nous établîmes en un endroit où nous étions très commodément pour les observations que j’avais à faire. Je dis à Amy ce que j’avais vu, et elle fut aussi empressée à faire de son côté cette découverte que je l’étais à la lui faire faire, et presque aussi surprise que moi de la chose en elle-même. Bref, les gens d’armes entrèrent dans la ville, comme on s’y attendait, et offrirent un spectacle vraiment glorieux, équipés à neuf de vêtements et d’armes, et allant faire bénir leurs étendards par l’archevêque de Paris. Ils avaient véritablement l’air très gaillard en cette occasion ; et comme ils défilaient fort lentement, j’eus le loisir de faire un examen aussi critique et une recherche aussi méticuleuse parmi eux qu’il me plaisait. Et voici qu’en un rang particulier, remarquable par le cavalier de taille monstrueuse qui était à sa droite, voici, dis-je, que je vis de nouveau mon homme. C’était, ma foi, un compagnon de mine belle et réjouie autant que quiconque dans la troupe, bien qu’il ne fût pas si monstrueusement gros que ce grand dont je parlais, lequel, parait-il, n’en était pas moins un gentilhomme d’une bonne famille de Gascogne, et était appelé le géant de Gascogne.

Ce fut une espèce de bonne fortune pour nous, entre autres circonstances, que quelque chose fit arrêter les troupes dans leur marche, un peu avant que ce rang particulier arrivât droit contre la fenêtre où je me tenais ; de sorte que nous eûmes la facilité de le voir complètement, à une petite distance et de façon à ne pas douter que ce ne fût la même personne.

Amy qui croyait pouvoir, à bien des égards, se risquer plus sûrement à entrer dans les détails que je ne le pouvais moi-même, demanda à son amant comment on pourrait s’enquérir d’un certain homme qu’elle voyait parmi les gens d’armes et comment on pourrait le retrouver ; car elle venait de revoir là, à cheval, un Anglais qu’en Angleterre on supposait mort plusieurs années avant qu’elle vînt à Londres, et dont la femme s’était remariée. C’était une question à laquelle le gentilhomme ne voyait pas trop comment il pourrait répondre ; mais un autre homme, qui se trouvait près de là, lui dit que, si elle voulait lui donner le nom de la personne, il s’efforcerait de la lui trouver ;