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vivre tolérablement, au moins pendant sa vie. Mais comme c’est le propre d’un sot de ne pas prendre d’avis, il négligea celui-là, vécut comme auparavant, garda ses chevaux et ses gens, sortit tous les jours à cheval pour chasser dans la forêt ; et, pendant ce temps-là, rien ne se faisait. Mais l’argent filait bon train, et il me semblait que je voyais la ruine accourir, sans aucun moyen praticable de l’arrêter.

Je ne négligeai rien de tout ce que la persuasion et les prières peuvent tenter ; mais tout fut inutile. Lui représenter comme notre argent s’en allait vite et ce que serait notre situation quand il n’y en aurait plus, cela ne faisait aucune impression sur lui. Comme un insensé, il continuait sans nul souci de tout ce qu’on pourrait supposer que les larmes et les lamentations sont capables de faire. Il ne diminuait ni sa dépense personnelle, ni son train, ni ses chevaux, ni son domestique, jusqu’à la fin, où il ne lui resta plus même cent livres sterling au monde.

Il ne fallut pas plus de trois ans pour dépenser ainsi tout l’argent comptant. Et il le dépensa, je puis le dire, sottement ; car les compagnies qu’il fréquentait n’avaient rien d’estimable ; c’étaient généralement des chasseurs, des maquignons et des gens inférieurs à lui : autre conséquence de la sottise chez un homme. Les sots, en effet, ne sauraient trouver d’attrait à la société d’hommes plus sages et plus capables qu’eux ; ce qui fait qu’ils entretiennent commerce avec des coquins, boivent de la bière avec les portefaix, et font toujours leur compagnie de gens au dessous d’eux.

C’était là ma triste situation, lorsqu’un matin mon mari me dit qu’il comprenait qu’il en était arrivé à un état misérable, et qu’il voulait aller chercher fortune quelque part, ou ailleurs. Il avait déjà dit des choses semblables plusieurs fois auparavant, lorsque je le pressais de considérer ses ressources et les ressources de sa famille avant qu’il fût trop tard ; mais, comme j’avais vu que dans tout cela il n’y avait aucune idée sérieuse, — et, à la vérité, il n’y avait guère jamais aucune idée dans ses paroles, quoi qu’il dît, — je pensai encore cette fois-ci que ce n’était que des mots en l’air. Lorsqu’il avait bien répété qu’il voulait s’en aller, je souhaitais d’ordinaire secrètement à part moi,