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pensées. Mais je ne pouvais m’empêcher parfois de jeter avec étonnement un regard en arrière sur la folie des gens de qualité qui, immenses dans leur générosité comme dans leur richesse, donnent à profusion et sans connaître de bornes aux plus scandaleuses personnes de notre sexe, pour qu’elles leur accordent la liberté de s’abuser eux-mêmes et de se perdre avec elles.

Moi, qui savais ce que cette carcasse qui était mon corps avait été il y avait quelques années à peine, combien abattue par le chagrin, noyée dans les larmes, épouvantée à la perspective de la misère, entourée de haillons et d’enfants sans père ; engageant et vendant les guenilles qui me couvraient pour un dîner ; assise à terre, désespérant de tout secours et m’attendant à mourir de faim, jusqu’au moment où l’on m’arracherait mes enfants pour être entretenus par la paroisse ; moi qui, après cela, étais devenue femme de mauvaise vie pour du pain, et, abandonnant conscience et vertu, avais vécu avec le mari d’une autre femme ; moi qui étais méprisée par tous mes parents et par ceux de mon mari ; moi qui avais été délaissée, dans une si complète désolation, tellement sans ami et sans aide, que je ne savais comment me procurer un dernier secours pour m’empêcher de mourir de faim, je devais donc être courtisée par un prince pour l’honneur d’obtenir l’usage de mon corps prostitué, dont ses inférieurs s’étaient auparavant servi, et que peut-être je n’aurais pas, naguère, refusé à un de ses valets, si, par là, j’avais pu m’assurer du pain.

Je ne pouvais, dis-je, m’empêcher de réfléchir à la brutalité et à l’aveuglement du genre humain qui, parce que la nature m’avait donné une belle peau et quelques traits agréables, permettait que la beauté présentât à l’appétit sensuel un appât assez puissant pour faire faire des choses ignobles et déraisonnables afin d’en obtenir la possession.

C’est pour cette raison que j’ai si longuement exposé le détail des caresses que me prodiguèrent le joaillier et ce prince. Non pour faire de ce récit une excitation au vice dont je me suis rendue coupable et dont je suis aujourd’hui une pénitente si pleine de regrets (à Dieu ne plaise que personne fasse un si vil