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ou qu’on m’absoudrait avec la plus légère pénitence. J’inclinais fortement à faire l’expérience, mais je ne sais quel scrupule me retint. Et, en effet, je n’ai jamais pu prendre sur moi d’avoir, même en apparence, affaire à ces prêtres ; et, bien qu’il fût étrange que moi, qui avais ainsi, à deux reprises, prostitué ma chasteté et abandonné tout sens de vertu en menant publiquement une vie adultère, je me fisse scrupule de quelque chose, il en était cependant ainsi. Je me représentai à moi-même que je ne pouvais me conduire en fourbe dans aucune des questions que je considérais comme sacrées ; que je ne pouvais avoir une opinion, et prétendre en avoir une autre ; que je ne pouvais aller à confesse, moi qui ne savais rien de la manière dont cela se pratiquait, et que je me trahirais devant le prêtre comme huguenote, ce qui pourrait m’attirer des ennuis. Bref, j’étais bien une catin, mais j’étais une catin protestante, et je ne pouvais pas agir comme si j’en avais été une papiste, pour quelque raison que ce fût.

Mais, je le répète, je me contentai de cette étonnante argumentation, que, puisque c’était absolument irrésistible, c’était aussi absolument légitime ; car le Ciel ne voudrait pas permettre que nous fussions punis pour ce qu’il ne nous a pas été possible d’éviter. C’est par de telles absurdités que j’empêchai ma conscience de me créer aucun tourment considérable dans cette affaire ; et j’étais aussi parfaitement tranquille quant à la légitimité de la chose que si j’avais été mariée au prince, et n’avais pas eu d’autre mari. Voilà comme il nous est possible de nous rouler dans le vice jusqu’à ce que nous soyons invulnérable à la conscience, sentinelle, qui une fois assoupie, dort dur, et ne s’éveille plus tant que le flot du plaisir continue à couler, ou jusqu’à ce que quelque sombre et terrible chose nous ramène à nous-mêmes.

Je me suis étonnée, je le confesse, de la stupidité sous laquelle restèrent mes facultés intellectuelles pendant tout ce temps-là ; je me suis demandé quelles fumées léthargiques m’assoupissaient l’âme, et comment il était possible que moi, qui, dans le cas précédent, où la tentation était à bien des égards plus pressante et les arguments plus forts et plus irrésistibles