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Quatre jours environ après que j’eus reçu les compliments de condoléance du prince, le même gentilhomme qu’il avait envoyé auparavant, vint me dire que Son Altesse allait venir me faire visite. J’en fus véritablement surprise, et ne savais point du tout comment me comporter. Toutefois, comme il n’y avait rien à y faire, je me préparai à le recevoir de mon mieux. Quelques minutes s’étaient à peine écoulées qu’il était à la porte. Il entra, introduit par son gentilhomme, toujours le même, et, derrière lui, par ma servante, Amy.

Il me prodigua les marques de sa civilité, et me fit de grands compliments de condoléance sur la mort de mon mari, et aussi sur son genre de mort. Il me dit qu’il avait appris qu’il venait à Versailles pour lui montrer des bijoux ; qu’il était vrai qu’il avait causé de bijoux avec lui, mais qu’il ne pouvait imaginer comment des coquins avait su sa venue juste à ce moment-là avec les bijoux ; qu’il ne lui avait pas donné l’ordre de les lui apporter à Versailles, mais qu’il lui avait dit qu’il viendrait à Paris tel jour ; en sorte qu’il était absolument innocent de la catastrophe. Je lui répondis gravement que je savais parfaitement que tout ce qu’avait dit Son Altesse à ce sujet était véritable ; que ces coquins connaissaient la profession de mon mari et savaient, sans doute, qu’il portait toujours une cassette de bijoux sur lui et qu’il avait au doigt une bague en diamant valant cent pistoles, prix que la rumeur publique grossissait jusqu’à cinq cents ; et que, s’il était allé en tout autre endroit, c’eût été la même chose. Après cela, Son Altesse se leva pour partir et me dit qu’elle avait résolu de me faire quelque réparation ; en même temps, elle me mettait dans la main une bourse de soie contenant cent pistoles, et elle ajouta qu’elle me réservait, en outre, à titre de compliment, une petite pension dont son gentilhomme m’informerait.

Vous pouvez croire que je me conduisis comme une personne justement touchée de tant de bonté : je fis le geste de m’agenouiller pour lui baiser la main ; mais il me releva, me salua, se rassit, (bien qu’il eût déjà fait comme s’il voulait s’en aller), et me fit asseoir près de lui.

Il se mit alors à me parler plus familièrement ; il me dit