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je me vis en possession de près de dix mille livres sterling quelques jours à peine après la catastrophe.

La première chose que je fis en cette occasion, fut d’envoyer une lettre à Amy, ma servante, comme je l’appelais encore, dans laquelle je lui racontais mon malheur, et comment mon mari, suivant le nom qu’elle lui donnait, — car moi je ne l’appelais jamais ainsi, — avait été assassiné ; et comme j’ignorais la conduite que les parents ou les amis de sa femme tiendraient dans cette circonstance, j’ordonnai à Amy d’enlever toute la vaisselle, le linge et les autres choses de valeur, et de les mettre en sûreté entre les mains d’une personne à laquelle je l’adressai ; puis de vendre le mobilier de la maison, ou de s’en défaire, si elle pouvait ; et, sans faire connaître à personne la raison de son départ, de s’en aller, en envoyant avis au principal gérant, à Londres, que la maison était quittée par le locataire, et qu’on en pouvait venir prendre possession au nom des exécuteurs testamentaires. Amy fut si adroite et fit son affaire si lestement qu’elle vida la maison et envoya la clef au gérant susdit presque en même temps que celui-ci apprenait le malheur arrivé au maître.

À la réception de la nouvelle inattendue de cette mort, le principal gérant vint à Paris, et se présenta à la maison. Je ne me fis aucun scrupule de m’appeler Mme ***, veuve de M. ***, le joaillier anglais ; et comme je parlais français naturellement, je ne lui laissais rien savoir, sinon que j’étais sa femme, mariée en France, et que je n’avais point entendu dire qu’il eût une femme en Angleterre. Je feignis au contraire d’être surprise et de m’indigner contre lui d’un acte aussi bas, disant que j’avais dans le Poitou, où j’étais née, de bons amis qui auraient soin de me faire faire justice en Angleterre sur ses biens.

J’aurais dû faire remarquer que, dès que la nouvelle s’était répandue qu’un homme avait été assassiné et que cet homme était un joaillier, le bruit public me fit la faveur de publier aussitôt qu’on lui avait volé sa cassette à bijoux, qu’il portait toujours sur lui. Je confirmai tout cela, au milieu de mes lamentations quotidiennes sur son malheur, et j’ajoutai qu’il avait sur lui une belle bague en diamant que l’on savait qu’il portait souvent, évaluée à cent pistoles, une montre en or, et,