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« Eh bien ! ma chère, s’il en était ainsi, vous êtes maintenant richement pourvue ; tout ce que j’ai ici, je vous le donne. »

Et en même temps il prenait la cassette, ou boîte, et continuait :

« Tenez ! tendez la main ; il y a une belle terre pour vous dans cette boîte. Si quelque chose m’arrive, elle est absolument à vous ; je vous la donne, à vous seule. »

Et là-dessus, il mit dans mes mains la cassette, la belle bague, sa montre en or, et, en outre, la clef de son secrétaire, ajoutant :

« Et dans mon secrétaire il y a quelque argent. Il est tout à vous. »

Je le regardai avec un air d’effroi, car il me semblait que toute sa face était pareille à une tête de mort ; puis, immédiatement, il me sembla que j’apercevais sa tête toute sanglante ; puis, ses vêtements me semblèrent sanglants aussi ; et, soudainement, tout s’évanouit, et il m’apparut de nouveau avec l’air que réellement il avait. Aussitôt j’éclatai en pleurs, et je me suspendis à lui.

« Mon cher, lui dis-je, j’ai une frayeur mortelle. Vous n’irez pas. Soyez sûr que quelque accident vous frappera. »

Je ne lui dis pas comment mon imagination pleine de vapeurs me l’avait représenté. Il me semblait que cela n’était pas convenable. En outre, il n’aurait fait que rire de moi et serait parti en plaisantant. Mais je le pressai sérieusement de ne pas y aller ce jour-là ou, s’il le faisait, de me promettre de revenir chez lui, à Paris, pendant le jour. Il prit alors un air un peu plus grave qu’à l’ordinaire, et me dit qu’il n’appréhendait pas le moindre danger, mais que, s’il y en avait, ou bien il s’arrangerait de manière à revenir pendant la journée, ou, comme il me l’avait dit auparavant, il passerait la nuit là-bas.

Mais toutes ces promesses n’aboutirent à rien, car il fut attaqué et volé en plein jour, en allant, par trois hommes à cheval et masqués. L’un d’eux, qui, sans doute, le dépouillait pendant que le reste arrêtait le carrosse, lui donna un coup d’épée au travers du corps, dont il mourut sur-le-champ. Il y avait, der-