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« Voilà, dis-je. Essayez ce que vous pouvez faire avec votre servante Amy. »

Elle fit quelque résistance, et elle ne voulait pas d’abord me laisser lui enlever ses vêtements. Mais le temps était chaud et elle n’était pas fort couverte ; particulièrement, elle n’avait pas de corset. À la fin, quand elle vit que c’était sérieux, elle me laissa faire ce que je voulais. Je la mis donc nue, bel et bien, et ouvrant le lit, je la poussai dedans.

Je n’ai pas besoin d’en dire davantage. Ceci suffit pour convaincre tout le monde que je ne considérais pas cet homme comme mon mari, que j’avais rejeté tout principe et toute pudeur et réellement étouffé ma conscience.

Amy, je crois bien, commençait à se repentir, et serait volontiers sortie du lit ; mais il lui dit :

« Non, Amy ; vous voyez que c’est votre maîtresse qui vous a mise ici ; c’est elle qui a tout fait ; c’est à elle qu’il faudra vous en prendre. »

Et il la retint de force. La fille était nue dans le lit avec lui ; il était trop tard pour reculer ; elle resta donc tranquille, et le laissa faire d’elle ce qu’il voulut.

Si je m’étais considérée comme une épouse, vous ne pouvez pas supposer que j’eusse voulu laisser mon mari coucher avec ma servante, et surtout sous mes yeux ; car je restai près d’eux tout le temps. Mais, me regardant comme une catin, je ne puis ne pas avouer qu’il y avait dans ma pensée une sorte de résolution de faire que ma servante fût une catin aussi, et n’eût pas la possibilité de me reprocher ce que j’étais.

Cependant Amy, moins vicieuse que moi, fut, le lendemain matin, pleine de douleur et hors d’elle-même. Elle pleurait et se désolait avec la plus grande véhémence. Elle était ruinée et perdue. Et il n’y avait rien pour l’apaiser. Elle était une catin, une sale coquine ; elle était perdue, oui, perdue ! — Elle pleura presque toute la journée. Je faisais pour la calmer tout ce que je pouvais.

« Catin ! disais-je. Eh bien ! et moi, ne suis-je pas une catin tout comme vous ?