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Je voulais montrer à la famille d’excellentes gens qui avaient pris soin d’elles, plus que d’ordinaires égards. Amy, par mon ordre, le leur avait fait savoir, et avait obligé mes filles à lui promettre de se soumettre à leur direction, comme auparavant, et de se laisser diriger par cet honnête homme comme par un père et un conseiller. Elle l’engagea à les traiter comme ses enfants. Pour l’obliger d’une manière efficace à prendre soin d’elles et pour donner de l’aisance à leur vieillesse, à lui et à sa femme, qui avaient été si bons pour les orphelines, j’avais ordonné à Amy de placer les autres deux mille livres, c’est-à-dire l’intérêt, qui était de cent vingt livres par an, sur leurs têtes, pour qu’ils en jouissent pendant leur vie, mais pour revenir à mes filles après eux. Ceci était si juste, et fut si sagement arrangé par Amy, que rien de tout ce qu’elle fit jamais ne me plut davantage. Dans ces conditions, laissant mes deux filles avec leur ancien ami, et revenant vers moi aux Indes Orientales, (à ce qu’elles croyaient), elle avait tout préparé pour passer avec moi en Hollande. C’est en cet état qu’étaient les choses lorsque cette malheureuse fille, dont j’ai tant parlé, se mit en travers de toutes nos mesures, comme vous l’avez vu, et, avec une obstination que rien, ni menaces, ni persuasion, ne pouvait maîtriser ni calmer, poursuivit ses recherches après moi (sa mère), ainsi que je l’ai dit, jusqu’à ce qu’elle m’eût conduite sur le bord même de la ruine ; et elle m’aurait, selon toute probabilité, dépistée à la fin, si Amy n’avait pas, dans la violence de sa passion, et d’une manière dont je n’avais pas connaissance et que j’abhorrais véritablement, mis fin à ses démarches, ce dont je ne puis raconter les détails ici.

Cependant, et malgré cela, je ne pouvais songer à m’en aller et à laisser cette œuvre aussi incomplète qu’Amy avait menacé de le faire, et, pour la folie d’un enfant, laisser l’autre mourir de faim ou arrêter les libéralités que j’avais résolues en faveur de l’excellente famille que j’ai mentionnée. En un mot donc, je commis le soin de compléter le tout à ma fidèle amie la Quakeresse, à laquelle je communiquai autant de l’histoire entière qu’il était nécessaire pour lui permettre d’accomplir ce qu’Amy avait promis, et de parler dans le sens voulu autant qu’il le fallait