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duite prendre, je ne le savais réellement pas. Je finis par considérer Amy comme tout à fait perdue, car il y avait maintenant plus de quinze jours qu’elle était partie ; et, comme elle avait emporté tous ses effets et aussi son argent, qui ne faisait pas une petite somme, elle n’avait aucun prétexte de cette nature pour revenir, et elle n’avait laissé aucune indication de l’endroit où elle était allée ni de la partie du monde où je pouvais envoyer pour avoir de ses nouvelles.

J’étais ennuyée à un autre point de vue encore. Mon époux et moi, nous avions résolu d’en agir très généreusement avec Amy, sans considérer aucunement ce qu’elle pouvait avoir acquis d’autre part ; mais nous ne lui en avions rien dit, et je pensais que, ne sachant pas ce qui devait lui échoir, elle n’avait pas l’influence de cet espoir pour la faire revenir.

En somme, l’inquiétude de cette fille qui me chassait comme un limier qui tient une piste, mais qui se trouvait maintenant en défaut ; cette inquiétude, dis-je, et cette autre considération du départ d’Amy, aboutirent à la résolution de partir et de passer en Hollande ; là, croyais-je, je serais en repos. Je saisis donc l’occasion de dire un jour à mon époux que je craignais qu’il ne prît en mauvaise part que je l’eusse amusé si longtemps, mais qu’après tout je doutais que je fusse enceinte ; et que, puisqu’il en était ainsi, nos affaires étant emballées et tout étant en ordre pour aller en Hollande, je partirais maintenant quand il lui plairait.

Mon époux, qui était parfaitement satisfait soit d’aller, soit de rester, laissa la chose à mon entière discrétion. J’y réfléchis donc, et je recommençai à me préparer au voyage. Mais, hélas ! j’étais indécise au dernier point. Amy me manquant, je me trouvais dépourvue de tout ; j’avais perdu mon bras droit ; elle était mon intendant, recevait mes rentes, (je veux dire l’intérêt de mon argent), tenait mes comptes, en un mot, faisait toutes mes affaires ; et sans elle, en vérité, je ne savais ni comment partir, ni comment rester. Mais un accident survint ici, justement par le fait d’Amy, qui me fit prendre la fuite d’effroi, sans elle, d’ailleurs, dans l’horreur et le désordre les plus extrêmes.

J’ai raconté comment ma fidèle amie la Quakeresse était