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Quand je l’eus près de moi, je n’osai lui faire des questions, et je savais à peine par quel bout prendre l’affaire pour commencer à lui en parler ; mais, de son propre mouvement, elle me dit que la fille était venue l’importuner deux ou trois fois, pour avoir de mes nouvelles ; et qu’elle avait été si fâcheuse qu’elle, la Quakeresse, avait été obligée de se montrer un peu irritée ; à la fin, elle lui avait dit nettement qu’elle n’avait pas besoin de prendre la peine de chercher après moi par son moyen, car, si elle savait quelque chose, elle ne le lui dirait pas. Cela l’avait arrêtée un peu. Mais d’un autre côté, elle me dit qu’il n’était pas sûr pour moi d’envoyer mon propre carrosse la chercher, parce qu’elle avait lieu de croire qu’elle — ma fille, — épiait sa porte jour et nuit, et même la guettait elle aussi chaque fois qu’elle rentrait ou sortait ; car elle était si acharnée à me découvrir qu’elle n’y épargnait aucune peine ; et elle croyait qu’elle avait loué un appartement très près de sa maison dans ce but.

C’est à peine si je pus écouter tout ceci, tant j’étais désireuse d’arriver à Amy. Mais je fus confondue lorsqu’elle me dit qu’elle n’en avait pas entendu parler. Il est impossible d’exprimer les pensées anxieuses qui me roulaient dans l’esprit, et me tourmentaient perpétuellement à propos d’elle : je me reprochais surtout mon imprudence de renvoyer une créature si fidèle, qui, pendant tant d’années, avait été, non pas seulement une servante, mais un agent, et non pas seulement un agent, mais une amie, et même une amie fidèle.

Puis je considérais qu’Amy connaissait toute l’histoire secrète de ma vie, avait été mêlée à toutes mes intrigues, avait pris part au mal comme au bien. À tout le moins, mon action n’était pas politique. Il était très peu généreux et très cruel d’avoir poussé les choses à une telle extrémité avec elle, surtout dans une occasion où toute la faute dont elle était coupable était due à un soin excessif de ma sûreté ; aussi ne pouvait-ce être que sa constante bonté à mon égard et un excès d’amitié pour moi qui la retenait de me nuire en retour ; car il ne lui était que trop facile de le faire, et ce pouvait être ma perte absolue.

Ces pensées me tourmentaient extrêmement ; et quelle con-