Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/350

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’elle devait être fatiguée de ses recherches et qu’elle m’avait abandonnée.

Là, je reçus de ma fidèle Quakeresse la nouvelle que la jeune fille était réellement allée à Tunbridge, qu’elle y avait découvert la maison où j’avais demeuré, et y avait raconté son histoire sur le ton le plus désolé. Elle était revenue derrière nous, pensait-elle, jusqu’à Londres ; mais la Quakeresse avait répondu à ses questions qu’elle ne savait rien, ce qui était, d’ailleurs, la vérité ; elle l’avait engagée à se tenir tranquille, et à ne pas pourchasser des gens de notre sorte comme si nous étions des voleurs ; ajoutant qu’elle pouvait être assurée que, puisque je n’étais pas disposée à la voir, on ne m’y forcerait pas, et que ce serait me désobliger réellement que d’en agir ainsi avec moi. Elle l’apaisa par des discours de ce genre, et la Quakeresse finissait en espérant que je ne serais plus beaucoup dérangée désormais par elle.

C’est vers ce temps qu’Amy me fit l’histoire de son voyage de Greenwich, et me parla de noyer et de tuer la fille d’une façon si sérieuse et avec l’air d’être si bien résolue à le faire, que, comme je l’ai dit, je me mis en colère contre elle, au point de la renvoyer réellement d’avec moi, ainsi qu’il a été relaté plus haut, et qu’elle partit. Elle ne me dit même pas où, ni dans quelle direction elle s’en allait. D’un autre côté, quand j’en vins à réfléchir que maintenant je n’avais ni aide, ni confident à qui parler, ni de qui recevoir le moindre renseignement, mon amie la Quakeresse exceptée, je me sentis très inquiète.

J’attendai, j’espérai, je m’étonnai, de jour en jour, pensant toujours qu’Amy, à un moment ou à l’autre, réfléchirait un peu, reviendrait, ou du moins me donnerait de ses nouvelles ; mais pendant dix jours je n’entendis point parler d’elle. J’étais dans une telle impatience que je n’avais ni repos le jour, ni sommeil la nuit, et je ne savais ce que j’avais à faire. Je n’osai pas aller en ville chez la Quakeresse, de crainte de rencontrer ce tourment de ma vie, ma fille, et je ne pouvais avoir de renseignements là où j’étais. Enfin, je fis prendre le carrosse un jour à mon époux pour aller me chercher ma bonne Quakeresse, sous le prétexte que j’avais besoin de sa compagnie.