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son logis, à l’accompagner, car elle s’en allait chez elle et était toute seule.

Amy avait un tel fond d’assurance que la fille fut confondue, et ne sut que dire. Mais plus elle hésitait, plus Amy la pressait de venir. Enfin, lui parlant avec beaucoup de bonté, elle lui dit que, si elle ne venait pas voir son appartement, il fallait qu’elle vînt pour lui tenir compagnie, et qu’elle payerait un bateau pour la ramener. En un mot, Amy la persuada d’aller avec elle dans le bateau, et l’emmena jusqu’à Greenwich.

Il est certain qu’Amy n’avait pas plus à faire à Greenwich que moi, et que ce n’était pas là qu’elle allait. Mais nous étions harcelées au dernier degré par l’impertinence de cette créature, et moi, particulièrement, j’étais, à cause d’elle, dans une horrible perplexité.

Pendant qu’elles étaient dans le bateau, Amy se mit à lui reprocher l’ingratitude avec laquelle elle l’avait traitée si grossièrement, elle qui avait tant fait pour elle, qui avait été si bonne pour elle ; elle lui demanda ce qu’elle en avait retiré, ou ce qu’elle espérait en retirer. Puis vint mon tour, lady Roxana. Amy en plaisanta et la gouailla un peu, lui demandant si elle l’avait déjà trouvée.

Mais Amy fut surprise et furieuse à la fin lorsque la fille lui dit sans ambages qu’elle la remerciait de ce qu’elle avait fait pour elle, mais qu’elle ne voulait pas lui laisser penser qu’elle fût assez ignorante pour ne pas savoir que ce qu’elle, Amy, avait fait, elle l’avait fait par l’ordre de sa mère, ni à qui elle en était redevable. Elle ne pourrait jamais prendre les instruments pour ceux qui les dirigent, ni payer la dette à l’agent, lorsque toute l’obligation est due à qui l’a employé. Elle savait assez qui Amy était, et au service de qui. Elle connaissait très bien lady *** (elle me nommait du nom que je portais) ; c’était le véritable nom de mon mari, et par là elle pourrait savoir si elle avait ou non découvert sa mère, à elle.

Amy l’aurait voulue au fond de la Tamise ; et s’il n’y avait pas eu de bateliers dans le bateau ni personne en vue, elle me jura qu’elle l’aurait jetée dans la rivière. J’étais horriblement troublée lorsqu’elle me raconta cette histoire, et je pensais que