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« Et c’est, continua-t-elle, ton âge qui s’y oppose. En effet, tu reconnais que tu as vingt-quatre ans, et que ta mère avait deux autres enfants plus vieux que toi. Ainsi, à ton propre compte, ta mère devait être extrêmement jeune, ou cette dame ne saurait être ta mère ; car tu vois, et chacun peut voir qu’elle est encore une jeune femme, et l’on ne peut lui donner plus de quarante ans, si elle les a ; elle est même enceinte à l’heure qu’il est, et c’est pourquoi elle est partie pour la campagne ; de sorte que je ne saurais ajouter aucun crédit à l’idée que tu as qu’elle est ta mère. Si donc je pouvais te donner un conseil, ce serait d’abandonner cette pensée, comme un conte invraisemblable qui ne sert qu’à te mettre en désordre et à te troubler la tête ; car je m’aperçois que tu es véritablement très troublée. »

Mais tout cela n’aboutit à rien. Rien ne pouvait la satisfaire, que de me voir. Mais la Quakeresse se défendit très bien, et insista sur ce qu’elle ne pouvait lui donner aucune information à mon sujet. Enfin, comme l’autre l’importunait toujours, elle affecta d’être un peu choquée de ce qu’on ne voulait pas la croire, et elle ajouta qu’à la vérité, si elle avait su où j’étais allée, elle n’en aurait fait part à personne, à moins que je ne lui eusse donné des ordres pour le faire.

« Voyant qu’elle ne m’a pas fait connaître où elle est allée, dit-elle en finissant, ce m’est une intimation qu’elle ne désire pas qu’on le sache. »

Là-dessus elle se leva, ce qui était la façon la plus claire qu’elle pût employer de la prier de se lever aussi et de s’en aller, à moins de lui montrer la porte tout franc.

Cependant la fille ne se laissa pas démonter. Elle reprit qu’elle ne pouvait, il était vrai, s’attendre à ce que la Quakeresse fût affectée par l’histoire qu’elle lui avait racontée, quelque émouvante qu’elle fût, ni qu’elle ressentît pour elle aucune pitié. Son malheur était que, lorsqu’elle s’était trouvée dans cette maison naguère, et dans la même pièce que moi, elle n’eût pas demandé à me parler en particulier, ou ne se fût pas jetée sur le plancher à mes pieds, en réclamant ce que l’affection d’une mère aurait fait pour elle ; mais, puisqu’elle avait laissé