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diment mon propre nom en réponse. Si bien que je craignais de plus en plus que la fille n’eût pénétré le secret d’une manière ou de l’autre, bien que je ne pusse pas imaginer comment.

En un mot, j’étais malade de la conversation, et je tâchai de maintes façons d’y mettre fin ; mais c’était impossible, car la femme du capitaine, qui l’appelait sa sœur, la poussait, la pressait de raconter, pensant, bien à tort, que c’était un agréable récit pour nous tous.

Deux ou trois fois, la Quakeresse mit son mot, disant que cette lady Roxana avait une bonne provision d’assurance, et qu’il était probable que, si elle avait été en Turquie, elle avait vécu avec quelque grand pacha du pays qui l’avait entretenue. Mais elle interrompait aussitôt tous les discours de ce genre, et se lançait dans les éloges les plus extravagants de sa maîtresse, la glorieuse Roxana. Je la rabaissai comme une femme de vie scandaleuse, déclarant qu’il n’était pas possible qu’il en fût autrement. Mais elle ne voulait rien entendre. Sa lady était une personne qui possédait telles et telles qualités, si bien qu’il n’y avait à coup sûr rien qu’un ange qui lui ressemblât, et néanmoins après tout, ses propres paroles en venaient à ceci : que sa dame, pour le dire en deux mots, ne tenait ni plus ni moins qu’un tripot ordinaire, ou, comme on l’aurait appelé depuis, une réunion pour la galanterie et le jeu.

Pendant tout ce temps j’étais fort mal à l’aise, comme je l’ai déjà dit ; cependant toute l’histoire se déroula sans que rien se découvrît, si ce n’est que je paraissais un peu ennuyée de ce qu’elle me trouvât une ressemblance avec cette frivole lady, dont j’affectais de rabaisser beaucoup le caractère, en m’appuyant sur son propre récit.

Mais je n’étais pas encore au bout de mes mortifications ; car, à ce moment, mon innocente Quakeresse lança un mot malheureux qui de nouveau me mit sur des charbons.

« Le costume de cette dame, me dit-elle, est, j’imagine, quelque chose de précisément semblable au tien, d’après la description. — Puis, se tournant vers la femme du capitaine, — je pense que mon amie a un costume turc ou persan plus magnifique de beaucoup.