Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Nous passâmes donc dans toutes les chambres. Dans celle qui lui était destinée, Amy était en train d’arranger quelque chose.

« Eh bien, Amy, lui dit-il, j’ai l’intention de coucher dans votre lit demain soir.

» — Ce soir, si vous voulez, monsieur, dit Amy très innocemment ; votre chambre est toute prête.

» — Eh bien, Amy, dit-il, je suis bien aise que vous soyez si bien disposée.

» — Non, reprit Amy. Je veux dire que votre chambre est prête pour ce soir. » Et elle s’enfuit de la pièce, assez honteuse, car elle ne songeait pas à mal, quoi qu’elle m’eût dit en particulier.

Il n’en dit pas davantage alors. Mais, quand Amy fut partie, il parcourut la chambre, regarda tout en détail, puis il me prit par la main, m’embrassa et me dit beaucoup de choses tendres et affectueuses : les mesures qu’il avait prises dans mon intérêt, et ce qu’il voulait faire pour me relever dans le monde. Il me dit que mes chagrins et la conduite que j’avais tenue en les supportant jusqu’à une telle extrémité, l’avaient tellement attaché à moi, qu’il me mettait infiniment au-dessus de toutes les femmes du monde. Bien qu’il eût des engagements qui ne lui permettaient pas de m’épouser (sa femme et lui s’étaient séparés pour certaines raisons dont l’histoire, mêlée à la mienne, serait trop longue), il voulait être pour moi, excepté ce point, tout ce qu’une femme peut demander que soit un mari. En même temps, il me donnait encore des baisers et me prenait dans ses bras ; mais il ne se porta à aucune action le moindrement malhonnête envers moi. Il espérait, me dit-il, que je ne lui refuserais pas les faveurs qu’il demanderait, parce qu’il était résolu à ne me demander rien qu’une femme vertueuse et modeste comme il savait que j’étais, ne pût convenablement accorder.

Je confesse que l’horrible poids de mon ancienne misère, le souvenir qui en restait lourd sur mon esprit, la bonté surprenante avec laquelle il m’en avait délivrée, et, en outre, l’attente de ce qu’il pourrait encore faire pour moi, étaient des mobiles puissants, et m’enlevaient presque la force de lui rien refuser