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Lorsqu’elle les eût introduits et fait entrer dans le salon, elle monta nous trouver, Amy et moi. Nous étions à peine revenues de notre frayeur, et cependant nous nous félicitions de ce qu’Amy n’avait pas été surprise de nouveau.

Elles faisaient une visite de cérémonie, et je les reçus aussi cérémonieusement, mais je saisis l’occasion deux ou trois fois de faire entendre que j’étais si malade que je craignais de ne pas pouvoir aller en Hollande, assez tôt du moins pour partir avec le capitaine ; et je leur tournai poliment l’expression de mon chagrin d’être privée, contre mon attente, de leur société et de leurs soins pendant le voyage. Quelquefois aussi je parlais comme si je pensais pouvoir rester jusqu’au retour du capitaine, et être alors cette fois prête à partir. Alors la Quakeresse intervenait, disant que je pourrais bien être trop avancée, — dans ma grossesse, voulait-elle dire, — de sorte que je ne pourrais plus me risquer du tout ; et puis, comme si elle en eût été contente, elle ajoutait qu’elle espérait que je resterais dans sa maison pour y faire mes couches ; et comme tout cela s’expliquait de soi-même, les choses allaient assez bien.

Mais il était grand temps d’en parler à mon mari ; et ce n’était pas là, cependant, la plus grande difficulté qui se présentât à mon esprit. En effet, après que ces bavardages et d’autres eurent pris quelque temps, la jeune fille reprit sa marotte. Deux ou trois fois elle trouva le moyen de dire que je ressemblais tellement à une dame qu’elle avait l’honneur de connaître à l’autre extrémité de la ville qu’elle ne pouvait faire sortir cette dame de son esprit quand j’étais présente ; et une fois ou deux je m’imaginai que la fille était sur le point de pleurer ; elle y revint encore peu après et, à la fin, je vis clairement des larmes dans ses yeux. Sur quoi je lui demandai si la dame était morte, parce qu’il me semblait que cela réveillait en elle quelque chagrin. Elle me mit bien plus à l’aise que je ne l’avais été jusque là : elle me dit que réellement elle n’en savait rien, mais qu’elle croyait réellement qu’elle était morte.

Ceci, dis-je, soulagea un peu mes esprits, mais je fus bientôt remise aussi bas ; car, au bout d’un moment, la coquine devint communicative, et, comme il était clair qu’elle aurait dit tout ce