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jeune femme, comme elle l’appelait, qui était avec la dame du capitaine, et qu’elle appelait sa sœur, avait été de la plus impertinente curiosité dans ses questions sur mon compte : qui j’étais ? depuis quand j’étais en Angleterre ? où j’avais demeuré ? et autres choses semblables ; et, plus que tout le reste, elle s’était informée si je ne demeurais pas autrefois à l’autre extrémité de la ville.

« J’ai trouvé ses questions si extraordinaires, me dit l’honnête Quakeresse, que je ne lui ai pas donné la plus petite satisfaction. J’avais d’ailleurs remarqué, par tes réponses à bord du navire, quand elle te parlait, que tu n’étais pas disposée à la laisser faire grande connaissance avec toi ; aussi avais-je décidé qu’elle n’en apprendrait pas davantage par moi. Quand elle m’a demandé si tu n’avais jamais demeuré ici ou là, j’ai toujours dit non ; mais que tu étais une dame hollandaise, et que tu retournais dans ta famille pour vivre à l’étranger. »

Je la remerciai de tout mon cœur, et vraiment elle me servit mieux en ceci que je ne le lui fis savoir. En un mot, elle dépista la fille si habilement, que si elle avait connu toute l’affaire elle n’aurait pas pu faire mieux.

Mais je dois avouer que tout cela me remettait à la torture, et que j’étais toute découragée. Je ne doutais pas que la coquine ne flairât la vérité, qu’elle ne m’eût reconnue et ne se fût rappelé mon visage ; mais elle avait, pensais-je, habilement dissimulé ce qu’elle savait de moi jusqu’à ce qu’elle pût le faire paraître plus à mon désavantage. Je racontai tout à Amy, car elle était toute la consolation que j’eusse. La pauvre âme (Amy, j’entends) était prête à se pendre, parce que, disait-elle, elle avait été la cause de tout ; si j’étais ruinée — c’était l’expression dont je me servais toujours avec elle — j’étais ruinée par elle ; et elle s’en tourmentait tellement que j’étais quelquefois obligée de lui donner des encouragements en même temps qu’à moi-même.

Ce dont Amy se vexait le plus, c’était qu’elle eût été surprise de cette façon par la fille, comme elle l’appelait ; je veux dire surprise de manière à être obligée de se dévoiler et c’était en effet, un faux pas de la part d’Amy, je le lui