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ce que c’est. La maison étant bien meublée, vous la louerez en garni aux bonnes familles qui viennent l’été. Vous vous assurerez promptement ainsi des moyens d’existence suffisants ; d’autant plus que vous ne me payerez pas de loyer pendant deux ans, ni même après, à moins que vous ne le puissiez. »

C’était vraiment le premier espoir qui me fût donné de vivre tranquille ; le moyen, je dois l’avouer, avait toute chance d’être bon, car nous avions de très grandes facilités, notre maison étant à trois étages avec six chambres à chacun d’eux. Pendant qu’il m’exposait le plan de mon administration, une charrette s’arrêta à la porte, avec un chargement de meubles et un ouvrier tapissier pour les mettre en place. Cela se composait surtout du mobilier de deux chambres qu’il avait enlevé pour ses deux années de loyer, avec deux beaux buffets, quelques trumeaux du salon et plusieurs autres objets de prix.

Toutes ces choses furent mises en place. Il me dit qu’il me les donnait en toute propriété, pour compenser la cruauté dont il avait jadis usé envers moi ; et, l’ameublement d’une pièce étant fini et arrangé, il me déclara qu’il voulait meubler une chambre pour lui-même, et qu’il viendrait être un de mes locataires, si je voulais le lui permettre.

Je lui répondis qu’il n’avait point à me demander de permission lorsqu’il avait tant de droits à être le bienvenu.

Cependant, la maison commençait à faire tolérable figure, et à être propre. Le jardin, également, au bout d’un travail d’une quinzaine de jours environ, commençait à ressembler moins à un lieu sauvage qu’il ne le faisait d’ordinaire. Enfin, il me donna l’ordre de mettre un écriteau pour louer des chambres, s’en réservant une, où il viendrait quand il en aurait l’occasion.

Lorsque tout fut fini à son idée quant à la pose du mobilier, il parut très content, et nous dînâmes encore ensemble des provisions qu’il avait achetées. Une fois l’ouvrier tapissier parti, après dîner, il me prit par la main :

« Allons, madame, me dit-il ; il faut me faire voir votre maison » (car il avait envie de revoir tout à nouveau).

» — Non, monsieur, lui dis-je. C’est votre maison, à vous, que je vais vous faire voir, s’il vous plaît. »