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Mais la fille continua malgré tout à faire la folle, et persista avec obstination, en dépit de tout ce qu’on put lui dire, et même, quoique sa sœur la priât et la suppliât de ne pas faire de sottises, que cela la perdrait, elle aussi, en même temps, et que la dame (c’est-à-dire Amy) les abandonnerait toutes les deux.

Eh bien, malgré tout, elle insista, je le répète ; et le pire était que, plus cela durait, plus elle était disposée à écarter Amy et à vouloir que Lady Roxana fût sa mère ; elle avait, disait-elle, quelques informations à son endroit, et elle ne doutait pas qu’elle ne la trouvât.

Les choses rendues à ce point, lorsque nous vîmes qu’il n’y avait rien à faire avec la fille, mais quelle était obstinément résolue à me chercher, et qu’elle risquait pour cela de perdre tout ce qu’elle pouvait espérer ; lorsque nous vîmes, dis-je, que les choses étaient venues à ce point, je commençai à faire plus sérieusement mes préparatifs de voyage outre-mer, d’autant plus que j’avais lieu de craindre que tout cela n’amenât quelque résultat ; mais l’incident suivant me mit tout à fait hors de moi, et me plongea dans le plus grand trouble que j’aie jamais éprouvé de ma vie.

J’étais si bien sur le point d’aller à l’étranger, que mon époux et moi, nous avions pris nos mesures pour notre départ. Comme je voulais être sûre de ne pas paraître en public, de façon à enlever toute possibilité d’être vue, j’avais fait à mon époux certaines objections contre les bateaux publics ordinaires qui transportent les passagers. Mon prétexte auprès de lui était la promiscuité et la foule qu’on rencontre sur ces vaisseaux, le manque de commodités et autres choses de ce genre. Il entra dans mes idées, et me trouva un navire de commerce anglais en partance par Rotterdam. Il eut bientôt fait connaissance avec le patron, et il lui loua tout son navire c’est-à-dire sa grande cabine, car je ne parle pas du fret ; de sorte que nous avions toutes les commodités possibles pour notre passage. Tout étant prêt, il amena un jour le capitaine dîner à la maison, afin que je pusse le voir et faire un peu connaissance avec lui. Après le dîner, la conversation tomba sur le navire et les agréments du bord, et le capitaine