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autre personne, et non directement, et que le secret s’était découvert par accident, ainsi que je l’ai dit.

Amy était contrariée de tout cela aussi bien que moi, mais elle n’y pouvait rien ; et, bien que nous en eussions beaucoup d’inquiétude, comme il n’y avait pas de remède, nous étions tenues de mener le moins de bruit possible sur toute cette affaire afin qu’elle n’allât pas plus loin. Je chargeai Amy de punir la fille de sa conduite ; ce qu’elle fit en la quittant avec colère après lui avoir dit qu’elle verrait bien qu’elle n’était pas sa mère, car elle saurait la laisser dans l’état où elle l’avait trouvée ; puisqu’elle voyait qu’elle ne savait pas se contenter des offices et de l’affection d’une amie, mais qu’elle voulait absolument faire d’elle une mère, elle ne serait, à l’avenir, ni mère, ni amie ; elle lui conseillait donc de rentrer en service et d’être souillon comme devant.

La pauvre fille cria de la façon la plus lamentable, mais elle ne voulut pas même s’en dédire ; et ce qui rendit Amy muette d’étonnement plus que le reste fut qu’après avoir ainsi malmené la pauvre fille pendant longtemps, et, n’ayant pu la faire s’en dédire, l’avoir menacée, comme je l’ai rapporté, de l’abandonner tout à fait, elle maintint ce qu’elle avait dit d’abord, et répéta dans les mêmes termes, qu’elle était sûre que si ce n’était pas Amy, c’était mylady Roxana qui était sa mère, et qu’elle irait la trouver ; ajoutant qu’elle ne doutait pas de pouvoir le faire, car elle savait où s’informer du nom de son nouveau mari.

Amy arriva à la maison avec cette belle nouvelle sur les lèvres. Je m’aperçus facilement, quand elle entra, qu’elle avait l’esprit perdu, et que quelque chose la rendait furieuse ; et j’étais très en peine de savoir ce que c’était, car lorsqu’elle entra, mon mari était dans la chambre. Cependant, lorsque Amy se leva pour aller se défaire, je trouvai bientôt un prétexte pour la suivre, et, entrant dans sa chambre :

« Que diable y a-t-il, Amy ? m’écriai-je. Je suis sûre que vous avez de mauvaises nouvelles.

» — Des nouvelles ! dit Amy tout haut. Oui, certes, j’en ai. Je crois que le diable est dans cette femelle ; elle nous perdra toutes, et elle aussi. Il n’y a pas moyen de la tenir. »