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» — Et moi, dis-je, furieuse, aussi vrai que je vous aime, je serais la première à vous mettre la corde au cou, et je vous verrais pendre avec plus de plaisir que je n’en ai jamais eu à vous regarder de ma vie. Mais non, vous ne vivriez pas assez pour être pendue ; je crois que je vous couperais la gorge de mes mains. Je le ferais presque déjà, rien que pour vous avoir entendu parler de la sorte. »

Et là dessus je l’appelai démon maudit, et lui ordonnai de quitter la chambre.

Je crois que c’était la première fois de ma vie que j’étais irritée contre Amy ; le premier moment passé, bien qu’elle fût une diabolique coquine d’avoir eu une pensée pareille, ce n’était après tout que l’effet de son excessive affection et fidélité envers moi.

Mais cette affaire me donna un coup terrible ; elle arrivait juste après que je venais de me marier, et elle servit à hâter notre passage en Hollande ; car je n’aurais pas voulu paraître pour être connue sous le nom de Roxana ; non, je ne l’aurais pas voulu pour dix mille livres. C’eût été assez pour ruiner tous mes projets et tous mes plans avec mon mari aussi bien qu’avec tous les autres. J’aurais, en ce cas, aussi bien fait d’être princesse allemande.

Je mis donc Amy à l’œuvre ; et, pour lui donner son dû, elle mit en jeu tout son esprit pour tâcher de découvrir par quels moyens la fille avait obtenu ces renseignements, mais, plus particulièrement, jusqu’où ces renseignements allaient, c’est-à-dire ce qu’elle savait réellement et ce qu’elle ne savait pas ; car c’était la grosse affaire pour moi. Comment elle pouvait dire qu’elle savait qui Mme  Roxana était, et quelle connaissance elle avait de toutes ces choses, c’était un mystère pour moi. Il était d’ailleurs certain qu’elle n’avait pas d’idée juste sur mon compte, puisqu’elle voulait qu’Amy fût sa mère.

Je grondai énergiquement Amy d’avoir permis que la fille la connût jamais, je veux dire la connût comme mêlée à cette affaire ; car on ne pouvait empêcher qu’elle ne la connût, puisqu’elle avait été, je peux dire, au service d’Amy, ou plutôt sous les ordres d’Amy, dans ma maison, comme je l’ai rapporté plus haut. Il est vrai qu’Amy lui avait fait parler d’abord par une