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l’aimait mieux que lui ne le faisait. Mais je pris la chose si mal que, non seulement, je ne voulus point lui en envoyer d’autre, mais que j’arrêtai une nouvelle valeur de mille livres que j’étais disposée à lui faire tenir. Il réfléchit ensuite et offrit de l’épouser ; mais, à son tour, elle avait tellement ressenti le premier affront qu’il lui avait infligé qu’elle ne voulut pas de lui, et je lui fis écrire que je trouvais qu’elle avait bien raison. Toutefois, après qu’il lui eut fait sa cour pendant deux ans, et grâce à l’entremise de quelques amis, elle l’épousa et fit une excellente femme, comme je savais qu’elle le ferait ; mais jamais je ne lui envoyai la cargaison de mille livres dont je viens de parler ; de sorte qu’il perdit cette somme pour m’avoir offensée, et qu’à la fin il prit la dame sans l’argent.

Mon nouvel époux et moi, nous vivions d’une vie très régulière et contemplative ; et certes c’était en soi une vie pleine de toute humaine félicité. Mais si je regardais ma situation avec satisfaction, ce qu’assurément je faisais, je regardais en toute occasion les choses d’autrefois avec une détestation proportionnée et avec la plus extrême affliction ; et vraiment alors, et cela pour la première fois, ces réflexions commençaient à entamer mon bonheur et à diminuer la douceur de mes autres jouissances. On peut dire qu’elles avaient rongé un trou dans mon cœur auparavant ; mais maintenant elles le transperçaient de part en part ; elles mettaient leurs dents à tous mes plaisirs, rendaient amère toute douceur, et me faisaient soupirer au milieu de chaque sourire.

Ni toute l’affluence d’une abondante fortune, ni la possession de cent mille livres sterling (car, à nous deux, nous n’avions guère moins), ni les honneurs et les titres, ni les serviteurs et les équipages, ni, en un mot, toutes ces choses que nous appelons le plaisir ne pouvaient m’offrir aucune saveur ni m’adoucir le goût des choses. Cela alla au point qu’à la fin je devins triste, lourde, pensive et mélancolique. Je dormais peu ; je mangeais peu ; je rêvais continuellement les plus effrayantes et les plus terribles choses imaginables, rien que des apparitions de démons et de monstres, des chutes dans des gouffres du haut de précipices élevés et abrupts, et autres accidents