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de déclarer que nous nous étions mariés onze ans avant notre arrivée en Hollande, et conséquemment de reconnaître comme légitime notre petit garçon, qui était encore en Angleterre, de donner des ordres pour le faire venir et de l’ajouter à sa famille en le reconnaissant pour nôtre.

Voici comment il s’y prit. Il avertit ses parents de Nimègue, où ses enfants (deux fils et une fille) étaient élevés, qu’il venait d’Angleterre et qu’il était arrivé à La Haye avec sa femme ; qu’il y resterait quelque temps, et qu’il désirait qu’on lui amenât ses deux fils. Il fut fait comme il le demandait, et je les accueillis avec toute la bonté et la tendresse qu’ils pouvaient attendre de leur belle-mère, et d’une belle-mère qui prétendait l’être depuis qu’ils avaient deux ou trois ans.

Il ne fut pas difficile du tout de faire admettre que nous étions mariés depuis si longtemps dans un pays où l’on nous avait vus ensemble vers cette époque, c’est-à-dire onze ans et demi auparavant, et où l’on ne nous avait plus jamais vus ensuite, si ce n’est depuis que nous étions revenus ensemble. Et ce fait d’avoir été vus ensemble autre fois était ouvertement reconnu et proclamé par notre ami le marchand de Rotterdam, et aussi par les gens de la maison où nous demeurions l’un et l’autre dans la même ville et où notre première intimité commença, lesquels se trouvèrent par hasard tous encore vivants. Aussi, pour le mieux publier, nous fîmes un voyage à Rotterdam, et logeâmes dans la même maison ; notre ami, le marchand, vint nous y rendre visite ; il nous invita ensuite fréquemment chez lui et nous traita fort honnêtement.

Cette conduite de mon époux, qu’il mena avec une grande habileté, était véritablement une marque d’un merveilleux degré d’honnêteté et d’affection pour notre petit garçon ; car tout cela était fait purement dans l’intérêt de l’enfant.

J’appelle cela une affection honnête, parce que c’était par un principe d’honnêteté qu’il s’intéressait si sérieusement à prévenir le scandale qui serait autrement tombé sur l’enfant, tout innocent qu’il était. C’était par ce principe d’honnêteté qu’il m’avait si vivement sollicitée et conjurée, au nom des sentiments naturels d’une mère, de l’épouser lorsque l’enfant était encore à