Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.

obligeant, et il était trop homme de sens, pour ne pas le recevoir comme il était donné. Il se contenta de répondre qu’en cela nous ferions comme nous en tomberions d’accord ensemble ; mais que la question qui appelait présentement notre attention était de montrer non seulement de la gratitude, mais aussi de la charité et de l’affection à notre amie la Quakeresse. Et le premier mot qu’il prononça à ce sujet fut de placer mille livres sterling à son profit pendant sa vie, ce qui lui faisait soixante livres par an ; mais de telle manière que personne autre qu’elle n’eût le pouvoir d’y toucher. C’était agir très grandement, et cela montrait vraiment les principes généreux de mon mari ; c’est même pour cette raison que j’en parle ici. Mais je trouvai que c’était un peu trop, particulièrement parce que j’avais autre chose en vue pour elle à propos de l’argenterie. Je lui dis donc que je croyais que s’il lui donnait d’abord comme présent une bourse avec cent guinées, et qu’il lui fît ensuite la politesse d’une pension annuelle de quarante livres sterling pendant sa vie, garanties de la façon qu’elle le désirerait, ce serait déjà très honnête.

Il en convint, et dans la soirée du même jour, comme nous allions aller au lit, il prit ma Quakeresse par la main, et, en lui donnant un baiser, lui dit que nous avions été traités par elle avec beaucoup de bonté depuis le commencement de cette affaire, et que sa femme l’avait été auparavant, comme elle (c’est-à-dire moi) l’en avait informé ; il se croyait tenu de lui faire voir qu’elle avait obligé des amis capables de gratitude ; pour sa part personnelle dans l’obligation que nous lui avions, il désirait qu’elle acceptât cela comme un témoignage partiel de reconnaissance seulement (il lui mettait l’or dans la main) ; sa femme causerait avec elle de ce qu’il aurait de plus encore à lui dire. Là-dessus, lui donnant à peine le temps de murmurer : « Je vous remercie », il monta dans notre chambre à coucher, la laissant toute confuse et ne sachant que dire.

Lorsqu’il fut parti, elle se mit à protester avec beaucoup d’honnêteté et d’obligeance de sa bonne volonté à notre égard ; mais, ajoutait-elle, c’était sans aucune attente de récompense ; je lui avais fait plusieurs cadeaux de prix auparavant, — et, en effet, je lui en avais fait, car, outre la pièce de toile que je lui