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à échanger longuement des politesses. Il était, me dit-il, parfaitement heureux de demeurer en Angleterre, et il avait arrangé toutes ses affaires dans cette vue ; car, comme il m’avait dit qu’il comptait abandonner toutes les affaires du monde, aussi bien le souci de les mener que l’inquiétude d’y penser, considérant que nous étions l’un et l’autre en position de n’en avoir pas besoin et de trouver que ce n’était pas digne de notre peine, je pouvais bien voir que telle était réellement son intention, puisqu’il s’était fait naturaliser, s’était procuré des lettres patentes de baronet, etc. Eh bien, lui répondis-je, j’acceptais sans doute ses compliments, mais, malgré tout cela, je ne pouvais ignorer que son pays natal, où ses enfants étaient élevés, devait lui être plus agréable que tout autre ; et si j’avais tant de prix pour lui, je serais à ses côtés pour augmenter encore le degré de son contentement ; partout où il serait, là serait ma patrie, et n’importe quel lieu du monde serait pour moi l’Angleterre s’il était près de moi. Bref, je l’amenai ainsi à me permettre de l’obliger en allant demeurer à l’étranger, lorsque la vérité était que je n’aurais pas été parfaitement à l’aise en demeurant en Angleterre, à moins de me tenir constamment renfermée, de peur qu’à un moment ou à l’autre, la vie dissolue que j’avais menée ne vînt à être connue, et que ne fussent connues aussi toutes ces vilaines choses dont je commençais alors à être honteuse grandement.

À la fin de notre semaine de noces, pendant laquelle notre Quakeresse avait été si parfaite envers nous, je dis à mon mari combien je croyais que nous lui étions obligés pour ses généreux procédés à notre égard, avec quelle extrême bonté elle avait agi depuis le commencement, et comme elle m’avait été une amie fidèle en toutes les occasions. Et puis, lui dévoilant un peu ses infortunes domestiques, je mis en avant que je croyais devoir non seulement lui être reconnaissante, mais encore faire pour elle quelque chose d’extraordinaire afin de la mettre à l’aise dans ses affaires. J’ajoutai que je n’avais pas de charges qui pussent l’importuner, qu’il n’y avait personne m’appartenant qui ne fût amplement pourvu, et que, si je faisais quelque chose de considérable pour cette honnête