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semblât n’y plus songer, qu’il aimerait toujours à être dans les affaires et dans le commerce des hommes d’affaires. Je citais plusieurs endroits, les uns mieux situés pour faire des affaires avec la France, les autres en relations plus faciles avec la Hollande ; comme Douvres ou Southampton, pour le premier cas, et Ipswich, ou Yarmouth, ou Hull, pour le second ; mais je m’arrangeai de manière à ne rien décider définitivement, si ce n’est qu’il semblait certain que nous demeurerions en Angleterre.

Il était temps maintenant d’amener les choses à une conclusion ; aussi, environ six semaines après, nous avions réglé tous les préliminaires ; entre autres, il m’informa que l’acte du parlement nécessaire à sa naturalisation passerait à temps pour qu’il fût, comme il disait, anglais avant notre mariage. Cela se fit en effet promptement, le parlement étant alors en session, et plusieurs autres étrangers s’étant réunis à lui pour le même objet, afin d’épargner la dépense.

Ce ne fut guère que trois ou quatre jours après que, sans me laisser soupçonner en rien qu’il avait fait aucune démarche pour les lettres patentes de baronet, il me les apporta dans un joli sac brodé, et me saluant du titre de mylady *** auquel il joignait son nouveau nom, il m’offrit son portrait monté en diamants, et en même temps me donna une broche valant mille pistoles. Le lendemain matin, nous étions mariés. C’est ainsi que je mis fin à toute la période d’intrigues de ma vie ; vie pleine de prospérité dans le vice, ce qui rendait d’autant plus affligeantes les réflexions qu’elle m’inspirait, que mon temps s’était passé dans les plus énormes fautes ; et, plus je regardai en arrière, plus ils me paraissaient noirs et horribles, absorbant absolument tout le bien-être et toute la satisfaction qu’autrement j’aurais pu puiser dans cette période de ma vie qui était encore devant moi.

La première consolation, cependant, que je goûtai dans la nouvelle condition où je me trouvai fut de songer qu’à la fin la vie criminelle était finie, et que je ressemblais à un passager revenant des Indes, lequel ayant après maintes années de fatigue et de tracas dans les affaires, acquis une honnête fortune au prix de difficultés et de dangers innombrables, est arrivé heureusement