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l’autre, il imaginait que j’aimerais à établir notre résidence en un lieu d’où, si c’était possible, nous n’ayons plus à partir ; quant à lui, c’était tout à fait son avis, avec cette réserve que le choix du lieu m’appartiendrait, car tous les endroits du monde étaient pour lui la même chose, pourvu, cependant, que je fusse avec lui.

Je l’écoutai avec un grand plaisir, autant parce qu’il était disposé à me donner le choix que parce que j’étais décidée à demeurer à l’étranger, par la raison que j’ai mentionnée déjà ; c’est-à-dire, de peur que je ne fusse, à un moment donné, reconnue en Angleterre, et que toute l’histoire de Roxana et de ses bals ne transpirât. En outre, je n’étais pas peu chatouillée de la satisfaction d’être du moins comtesse, puisque princesse, je ne le pouvais pas.

Je racontai cela à Amy, car c’était mon conseiller intime. Mais quand je lui demandai son avis, elle me fit rire de bon cœur.

« Maintenant, lui dis-je, lequel des deux prendre, Amy ? Serai-je une lady, c’est-à-dire la dame d’un baronet, en Angleterre, ou une comtesse en Hollande ? »

La spirituelle coquine, qui connaissait l’orgueil de mon caractère presque aussi bien que je le connaissais moi-même, répondit sans la moindre hésitation :

« Des deux, madame ?… Lequel des deux, reprit-elle en répétant mes paroles. Pourquoi pas les deux ? Et alors vous serez réellement princesse ; car, assurément, lady en anglais et comtesse en hollandais, cela doit bien faire princesse en haut allemand. »

En somme, quoique Amy plaisantât, elle me mit l’idée en tête, et je résolus que j’aurais, après tout, les deux titres, ce que j’amenai comme vous allez l’apprendre.

D’abord, je parus décidée à rester et à me fixer en Angleterre, à cette seule condition, que je ne demeurerais pas à Londres. Je prétendis que j’y étouffais ; je manquais d’air respirable quand j’étais à Londres ; mais partout ailleurs je serais contente. Et je lui demandai si quelque port de mer d’Angleterre ne lui conviendrait pas ; parce que je savais, bien qu’il