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mais parfois les titres aident à élever l’âme et à infuser des principes généreux dans l’esprit, surtout là où il y a déjà de bonnes dispositions naturelles. Il espérait que ni l’un ni l’autre de nous ne se comporteraient mal si nous venions à en avoir un ; et que, puisque nous saurions le porter sans hauteur déplacée, il siérait aussi bien à nous qu’à tout autre. Pour l’Angleterre, il n’avait qu’à prendre un acte de naturalisation en sa faveur, et il savait où acheter des lettres patentes de baronet, c’est-à-dire comment se faire transférer ce titre. Mais si je voulais venir à l’étranger avec lui, il avait un neveu, le fils de son frère aîné, qui possédait le titre de comte avec les terres y attachées, lesquelles n’étaient pas considérables, et que ce neveu lui avait souvent offert de lui passer pour mille pistoles, ce qui n’était pas une bien grosse somme d’argent ; et, comme c’était déjà dans la famille, sur mon désir il l’achèterait immédiatement.

Je lui répondis que c’était le dernier projet que je préférais ; mais je ne lui permettais pas de l’acheter, à moins qu’il ne me laissât payer les mille pistoles.

« Non, non, dit-il, j’ai refusé de vous mille pistoles que j’avais mieux le droit d’accepter, et je ne vous imposerai pas cette dépense aujourd’hui.

» — Oui, répartis-je. Vous les avez refusées, et peut-être vous en êtes-vous repenti plus tard.

» — Je ne m’en suis jamais plaint, répondit-il.

» — Je l’ai fait, moi, et m’en suis souvent repentie pour vous.

» — Je ne vous comprends pas.

» — Mais, dis-je, je me suis repentie d’avoir souffert que vous refusiez.

« — Bien, bien ; nous parlerons de cela plus tard, quand vous aurez décidé dans quelle partie du monde vous fixerez votre résidence. »

Et il se mit à me dire de bonnes paroles, longtemps de suite : que son sort avait voulu qu’il vécût toute sa vie hors de son pays, qu’il se déplaçât et changeât souvent le centre de ses affaires ; que moi-même je n’avais pas toujours eu de demeure fixe ; mais, maintenant que nous n’étions plus jeunes, ni l’un ni