Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/264

Cette page a été validée par deux contributeurs.

» — Eh bien, repris-je, je suis même de ce que vous me dites ; et pourtant je peux vous déclarer que j’aurais pu être princesse si j’avais voulu vous quitter, que je le pourrais encore, je crois.

» — Il n’est pas en mon pouvoir de vous faire princesse, me répondit-il ; mais je puis aisément vous faire grande dame ici en Angleterre, et même comtesse si vous voulez sortir de ce pays.

J’entendis ces deux déclarations avec beaucoup de satisfaction, car mon orgueil restait tout entier, bien qu’il eût été déçu ; je pensai en moi-même que cette proposition compenserait en quelque façon la perte de l’autre titre qui avait si fort chatouillé mon imagination, et j’avais hâte de savoir ce qu’il voulait dire. Mais je n’aurais voulu à aucun prix le lui demander.

La chose en resta donc là pour cette fois.

Lorsqu’il fut parti, je répétai à Amy ce qu’il avait dit, et Amy se montra aussi impatiente que moi de savoir la façon dont cela pouvait se faire. Mais la fois suivante, et tout à fait inopinément pour moi, il me dit qu’il m’avait incidemment mentionné, la dernière fois qu’il était avec moi, une chose à laquelle il n’attachait pas la moindre importance en soi ; mais ne sachant pas si une chose semblable ne serait pas de quelque poids à mes yeux et si elle ne m’attirerait pas du respect de la part des gens au milieu desquels je pourrais me trouver, il y avait pensé depuis, et avait résolu de m’en parler.

J’affectai d’en faire peu de cas. Je lui dis qu’il savait que j’avais choisi une vie retirée, et que, par conséquent, être appelée lady ou même comtesse n’avait aucune valeur pour moi ; cependant, que s’il avait l’intention de me traîner — pour employer le vrai terme, — dans le monde de nouveau, cela pourrait peut-être lui être agréable. D’ailleurs, je ne pouvais avoir d’opinion à ce sujet, car je ne voyais pas comment la chose pouvait se faire, ni d’un côté ni de l’autre.

Il me répondit qu’avec de l’argent les titres d’honneur s’achetaient dans presque tous les pays du monde. L’argent, sans doute, ne pouvait pas donner des principes d’honneur ; il fallait qu’ils vinssent de naissance ou qu’ils fussent dans le sang ;