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lui avait fait un long rapport au sujet de son maître, de sa maladie et de sa guérison ; mais que le résumé de la question pour ce qui me regardait, était que, pour ce qui était de la dame, monseigneur était devenu pénitent, se trouvait lié par certains vœux qu’il avait faits pour sa guérison, et qu’il ne pouvait point davantage songer à cette affaire ; d’autant plus que la dame étant absente et aucune offre ne lui ayant été faite, l’honneur ne souffrait aucune atteinte ; mais que monseigneur était reconnaissant des bons offices de Mrs Amy et lui envoyait cinquante pistoles pour sa peine, comme si elle avait réellement fait le voyage.

J’eus bien de la peine, je le confesse, à supporter la première surprise de ce désappointement. Amy s’en aperçut, et ouvrant largement la bouche comme c’était sa manière :

« Dieu ! madame, ne vous tracassez pas de cela. Vous voyez qu’il est enfoncé dans les prêtres, et je suppose qu’ils lui ont impertinemment imposé quelque pénitence, et, peut-être, qu’ils lui ont donné une commission à faire pieds-nus à quelque Madonna, Nostredame ou autre ; et pour le moment il n’en est pas à l’amour. Je vous garantis qu’il reviendra aussi coquin qu’il l’a jamais été, dès qu’il sera tout à fait bien et qu’il se sera tiré de leurs mains. Je suis furieuse de ce repentir hors de saison. Quelle raison a-t-il, dans son repentir, de s’abstenir de prendre une bonne femme ? J’aurais été bien aise de vous voir princesse, et le reste. Mais si cela ne se peut pas, n’en soyez pas affligée ; vous êtes assez riche pour vous faire princesse toute seule. Vous n’avez pas besoin de lui, et c’est ce qu’il y a de meilleur dans tout cela. »

C’était fort bien ; mais je n’en pleurais pas moins, et j’en fus profondément vexée pendant longtemps. Mais comme Amy était toujours à mes trousses, cherchant constamment à me distraire par sa gaieté et son esprit, cela finit par passer peu à peu.

Alors je racontai à Amy l’histoire de mon marchand ; comment il m’avait trouvée lorsque j’étais tellement inquiète de le trouver lui-même ; qu’il était vrai qu’il demeurait dans St-Lawrence Pountney’s-lane ; que j’avais eu tout le récit de son