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campagne, et sur les jouissances que nous pourrions si effectivement goûter sans l’embarras des affaires et du monde. Mais tout cela n’était que grimace, et purement parce que je redoutais de reparaître publiquement dans le monde, de peur que quelque impertinente personne de qualité ne me rencontrât par hasard et ne se mît à crier en jurant : — « Roxana ! Roxana ! au nom de D*** », — comme on l’avait fait déjà.

Un marchand, élevé dans les affaires et habitué à la société des hommes d’affaires, avait peine à se figurer qu’il pût s’en passer ; du moins, il lui semblait qu’il serait comme un poisson hors de l’eau, misérable et mourant. Cependant il fit chorus avec moi, prétendant seulement que nous devrions demeurer aussi près de Londres que possible, afin qu’il pût venir quelquefois à la Bourse, et apprendre comment allait le monde et ce que devenaient ses amis et ses enfants.

Je lui répondis que s’il voulait encore s’embarrasser des affaires, je supposais qu’il serait plus satisfait d’être dans son propre pays, là où sa famille était si bien connue et où se trouvaient ses enfants.

Il sourit à cette pensée, et me déclara qu’il serait très disposé à accepter une telle proposition, mais qu’il ne l’aurait pas attendue de moi, pour qui l’Angleterre était, à coup sûr, si bien devenue mon pays que ce serait comme m’enlever à mon lieu natal, ce qu’il ne désirait faire en aucune façon, quelque agréable que la chose pût être pour lui.

Je lui dis qu’il se méprenait à mon endroit. De même que je lui avais tant dit que l’état du mariage était une captivité et la famille une maison de servitude, et qu’une fois mariée je ne compterais être qu’une première servante, — de même, si, malgré tout, je m’y soumettais, il verrait que je sais jouer le rôle de servante à tout faire pour obliger mon maître ; et si je n’étais pas résolue à aller avec lui partout où il désirait aller, il pouvait compter qu’il ne m’obtiendrait pas.

« Et ne vous ai-je pas, dis-je en finissant, offert d’aller avec vous aux Indes orientales ? »

Tout ceci n’était toujours qu’une contenance feinte ; car, ma position ne me permettant pas de rester à Londres, ou tout au