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pour oublier mes anciens ressentiments, et pour considérer cette pénitence, comme il l’appelait, qu’il avait endurée en me cherchant, comme une amende honorable[1], en réparation de l’affront par lequel il avait accueilli la bonté de ma lettre d’invitation ; nous pouvions, du moins, nous donner l’un à l’autre quelque satisfaction pour les désagréments passés.

J’avoue que je ne pus entendre tout cela sans être très touchée. Cependant je restai raide, et compassée même, pendant un bon moment. Je lui dis qu’avant de pouvoir faire aucune réponse au reste de son discours, je devais lui donner la satisfaction de lui dire que son fils vivait ; et en vérité, puisque je le voyais si inquiet de ce côté, et qu’il en parlait avec tant d’affection, j’étais fâchée de n’avoir pas trouvé un moyen ou un autre de le lui faire savoir, mais je pensais qu’après avoir dédaigné la mère, comme on l’a dit, il avait mis toute sa somme d’affection pour son enfant dans la lettre qu’il m’avait écrite pour le pourvoir, et qu’il avait, comme le font souvent d’autres pères, regardé sa naissance comme devant être oubliée parce qu’elle n’était pas régulière et qu’on avait à se repentir de sa venue ; en assurant convenablement l’avenir pour lui, il avait fait plus que ne font tous les pères dans des circonstances semblables, et il pouvait bien s’en contenter.

Il me répondit qu’il aurait été très heureux si j’avais été assez bonne pour lui donner la satisfaction de savoir que la pauvre malheureuse créature était encore en vie, et qu’il en aurait pris de son côté quelque soin, particulièrement en la reconnaissant pour enfant légitime, ce qui, là où personne n’aurait rien su du contraire, aurait enlevé la note d’infamie qui sans cela s’attachera toujours à elle ; et de cette façon l’enfant lui-même n’aurait rien connu de son propre malheur ; mais il craignait qu’il ne fût maintenant trop tard.

Il ajouta que je pouvais voir par toute sa conduite depuis, quelle malheureuse erreur l’avait poussé tout d’abord, et qu’il aurait été bien éloigné de me faire subir aucun outrage ou

  1. En français dans le texte de Defoe.