Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Amy fit la révérence, et la pauvre fille parut si confuse de joie, qu’elle ne put parler. Elle changeait à tout moment de couleur ; tantôt elle rougissait comme de l’écarlate, et, la minute suivante, elle était aussi pâle que la mort.

Ayant donc ainsi parlé, il s’assit, me fit asseoir, but à ma santé, et me fit boire deux verres de vin coup sur coup.

« Vous en avez besoin », disait-il.

Et, en effet, j’en avais besoin. Lorsque j’eus fini :

« Allons, Amy, dit-il, avec la permission de votre maîtresse, vous aurez aussi un verre. »

Et il lui fit boire deux verres de suite également. Puis, se levant :

« Et maintenant, Amy, dit-il, allez dîner. Et vous, madame, continua-t-il, allez faire votre toilette, et vous redescendrez souriante et gaie ». Il ajouta : « — Je vous mettrai à l’aise, si je puis ». En attendant, il allait, dit-il, faire un tour dans le jardin.

Lorsqu’il fut parti, Amy changea tout à fait de physionomie : de sa vie, elle n’avait eu l’air plus gai.

« Chère madame, dit-elle, que veut faire ce gentleman ?

» — Eh bien, Amy, répondis-je, il veut nous faire du bien, n’est-ce pas cela ? Je ne sache aucune autre intention qu’il puisse avoir, car il n’a rien à espérer de moi.

» — Je vous garantis, madame, qu’il vous demandera une faveur avant longtemps.

» — Non, non, vous vous trompez, Amy, j’en suis sûre, répondis-je. Vous avez entendu ce qu’il a dit, n’est-ce pas ?

» — Oui, dit Amy. Mais c’est égal, vous verrez ce qu’il fera après dîner.

» — Bien, bien, Amy, dis-je, vous avez une mauvaise opinion de lui. Je ne saurais être de votre avis. Je ne vois encore rien en lui qui l’annonce.

» — Pour cela, madame, dit Amy, je ne vois rien non plus. Mais qu’est-ce qui pourrait pousser un gentleman à avoir pitié de nous, comme il le fait ?

» — Oui, dis-je ; mais c’est aussi porter les choses trop loin