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rait, suffisante pénitence pour le dédain que je supposais qu’il m’avait témoigné ; il était vrai (et je ne pouvais supposer qu’il en fût autrement) qu’après l’avoir ainsi repoussé dans un tel cas et de telles circonstances, et après des supplications si pressantes et les offres qu’il m’avait faites, il était parti le cœur douloureusement blessé et plein de ressentiment ; il avait réfléchi au crime qu’il avait commis avec quelque regret, mais aussi avec la dernière horreur à la cruauté dont je traitais le pauvre petit enfant que je portais à ce moment-là, et c’était cela qui lui avait rendu impossible de m’envoyer une réponse conforme à mes désirs ; cette raison l’avait empêché de rien répondre pendant quelque temps ; mais, au bout de six ou sept mois, son ressentiment s’effaçant à mesure que revenaient son affection pour moi et son intérêt pour le pauvre enfant ;… — ici il s’arrêta, et il y avait des larmes dans ses yeux ; puis, après avoir ajouté seulement, en manière de parenthèse, qu’à cette minute même il ne savait pas s’il était mort ou vivant, il continua : — ces ressentiments s’effaçant, il m’avait écrit plusieurs fois, sept ou huit, dit-il, je crois, mais sans recevoir aucune réponse ; alors, ses affaires l’obligeant à aller en Hollande, il était venu en Angleterre, comme étant sur son chemin, et il avait trouvé, ainsi qu’il a été rapporté plus haut, que ces lettres n’avaient pas été réclamées ; il les laissa dans cette maison, après en avoir payé le port, et, revenu en France, il se sentit encore mal à l’aise et ne put résister au désir, digne d’un chevalier errant, de retourner encore en Angleterre pour me chercher, bien qu’il ne sût ni où, ni de qui s’enquérir de moi, car aucune de ses précédentes recherches n’avaient abouti à rien ; il y avait repris domicile, dans la ferme croyance qu’à un moment ou à l’autre il me rencontrerait, ou entendrait parler de moi, et que quelque bonne chance le jetterait enfin sur ma route ; il y demeurait depuis plus de quatre ans, et bien que ses espérances fussent évanouies, il n’avait plus la pensée de changer encore de place dans le monde, à moins qu’à la fin, comme il arrive pour les autres vieillards, il n’eût quelque inclination à aller mourir au gîte, dans son pays, mais qu’il n’y songeait pas encore ; si je voulais réfléchir à toutes ces démarches, je trouverais quelques raisons