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À la fin, arriva une lettre d’Amy, me rendant compte de ce qu’elle avait appris en dernier lieu du patron hollandais à Rouen ; cela confirmait ce que j’avais vu et ne me laissait aucun doute sur l’identité de la personne. Mais il n’y avait point d’invention humaine qui pût me mettre à portée de sa parole, d’une manière conforme à mes résolutions. Et, après tout, que savais-je de la situation où il était ? s’il était marié ou seul ? et s’il avait une femme, je savais que c’était un honnête homme, et qu’il ne voudrait pas même se mettre en rapport avec moi, ni me reconnaître s’il me rencontrait dans la rue.

En outre, comme il m’avait entièrement négligée, ce qui est, après tout, la plus forte manière de montrer son dédain pour une femme, et qu’il n’avait pas répondu à mes lettres, je ne savais pas s’il était toujours le même homme. Je me déterminai donc à ne rien faire, à moins que quelque occasion plus favorable ne se présentât et ne me déblayât la voie ; car j’étais décidée à ne lui donner aucun prétexte pour ajouter à ses dédains envers moi.

Je passai trois mois environ dans ces pensées. À la fin, perdant patience, j’envoyai à Amy l’ordre de revenir, lui disant l’état des affaires, et que je ne ferais rien avant son arrivée. Amy me répondit en me prévenant qu’elle allait arriver en toute hâte ; mais elle me priait de ne prendre aucun engagement avec lui, ni avec personne, jusqu’à ce qu’elle fût de retour. D’ailleurs elle me laissait dans l’obscurité sur ce qu’elle avait à me dire, ce qui m’ennuya vivement pour bien des raisons.

Mais pendant que ces choses se passaient, et qu’il s’échangeait entre Amy et moi des lettres et des réponses un peu plus lentement que de coutume, ce qui était cause que je n’étais pas aussi satisfaite que j’avais l’habitude de l’être de l’activité d’Amy, pendant ce temps, dis-je, il arriva la scène suivante.

C’était une après-midi, vers quatre heures ; mon amie la Quakeresse et moi nous étions assises dans la chambre en haut, très gaies, bavardant ensemble (car c’était la plus aimable compagnie du monde), lorsque quelqu’un sonna vivement à la porte. Comme il ne se trouvait pas de servante prête pour le moment, elle descendit elle-même en courant. Alors parut un gentleman