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Je vis bien qu’elle était surprise, et qu’elle pouvait à peine parler.

« Que veux-tu dire ? dit-elle. Vraiment je ne saurais avoir le front d’accepter un si beau cadeau. »

Elle ajouta :

« Cela convient à ton usage, mais c’est assurément trop beau pour que je le porte. »

Je crus qu’elle voulait dire qu’elle ne pouvait pas porter quelque chose de si fin, parce qu’elle appartenait aux Quakers. Aussi répliquai-je :

« Eh quoi ! est-ce que vous autres Quakers, vous ne portez pas de linge fin non plus ?

— Si, dit-elle. Nous portons du linge fin quand nous en avons le moyen ; mais celui-ci est trop beau pour moi. »

Néanmoins, je le lui fis accepter, et elle m’en remercia beaucoup ; mais j’atteignais ainsi mon but d’un autre côté, car je me l’attachai tellement que, la trouvant femme d’intelligence et aussi de probité, je pouvais, en toute occasion, avoir confiance en elle, ce qui était la chose dont, en vérité, j’avais grand besoin.

En m’habituant à son commerce, non seulement j’avais appris à m’habiller en Quakeresse, mais je m’étais tellement familiarisée avec toi et tu que je parlais aussi comme une Quakeresse, aussi facilement et naturellement que si j’étais née au milieu d’eux. Bref, je passais pour une Quakeresse parmi tous les gens qui ne me connaissaient pas. Je ne sortais guère, mais je m’étais tellement accoutumée à me servir d’un carrosse, que je ne savais trop comment sortir autrement ; d’un autre côté, je pensais que cela aiderait encore à me cacher. Un jour donc, je dis à mon amie la Quakeresse qu’il me semblait que je vivais trop renfermée et que je manquais d’air. Elle me proposa de prendre de temps en temps une voiture de louage ou un bateau ; mais je lui dis que j’avais toujours eu jusqu’à présent un carrosse à moi, et que je me sentais assez vaillante pour en avoir un de nouveau.

Elle parut d’abord trouver cela étrange, considérant la manière retirée dont je vivais ; mais elle n’eut rien à dire lorsqu’elle vit que je ne m’inquiétais pas de la dépense. Bref, je résolus que j’aurais un carrosse. Quand nous vînmes à parler de