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je lui demandai, dis-je, si elle voulait le vendre ; je lui dis que je le trouvais tellement à mon goût, que je lui donnerais de quoi s’en acheter un plus beau. Elle refusa d’abord ; mais je m’aperçus bientôt que c’était surtout par civilité, pour que je ne me déshonorasse pas, comme elle disait, en mettant ses vieux vêtements. Mais si je voulais bien les accepter, elle me les donnerait pour me servir le matin, à ma toilette, et elle viendrait avec moi acheter un autre costume moins indigne d’être porté par moi.

Cependant, comme je mettais dans mes rapports avec elle beaucoup de franchise et de laisser-aller, je la priai d’en faire autant avec moi. Je ne m’arrêtais point, lui dis-je, à de telles choses, et si elle voulait me permettre de garder ces vêtements, elle n’aurait pas à s’en plaindre. Elle me dit donc ce qu’ils avaient coûté, et, pour la dédommager, je lui donnai trois guinées de plus.

Cette bonne (quoique malheureuse) Quakeresse avait l’infortune d’avoir pris un mauvais mari, qui était parti outre-mer. Elle avait une belle maison, bien meublée, et quelques revenus à elle, qui la faisaient vivre, elle et ses enfants, de sorte qu’elle n’était pas dans le besoin ; mais elle n’était nullement en position de dédaigner l’aide que lui apportait ma présence chez elle ; aussi était-elle aussi contente de moi que je l’étais d’elle.

Cependant, sachant qu’il n’y avait pas de meilleur moyen de m’attacher cette nouvelle connaissance que de me montrer son amie, je commençai par lui faire quelques jolis présents, ainsi qu’à ses enfants. Pour débuter, en ouvrant mes paquets, un jour, dans ma chambre, je l’entendis dans une autre pièce, et je l’appelai d’un air familier. Je lui montrai quelques-uns de mes plus beaux vêtements, et, ayant dans ce qui me restait de mes affaires, une pièce de très fine toile neuve de Hollande, que j’avais achetée peu auparavant et qui valait environ neuf shillings l’aune, je la tirai en lui disant :

« Tenez, mon amie, je veux vous faire un cadeau, si vous voulez l’accepter. »

Et en même temps, je mettais la pièce de toile de Hollande sur ses genoux.