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rir si longtemps de côté et d’autre que, si j’étais avec elle, cela la retarderait au lieu de l’avancer. Aussi, j’y renonçai.

Bref, Amy partit et resta absente cinq longues heures. Mais, à son retour, je vis sur sa physionomie que le succès avait répondu à ses peines, car elle arriva riant et s’exclamant.

« Oh ! madame, s’écria-t-elle, j’ai trouvé juste de quoi vous plaire. »

Et elle me dit qu’elle s’était arrêtée sur une maison dans une cour des Minories ; qu’elle y était arrivée par pur hasard ; que c’était une famille où il n’y avait pas d’homme, le maître de la maison étant parti pour la Nouvelle-Angleterre ; que la femme avait quatre enfants, occupait deux servantes, et vivait très à l’aise ; mais qu’elle avait besoin de compagnie pour se distraire et que c’était pour cela même qu’elle avait consenti à prendre des pensionnaires.

Amy convint d’un bon prix, parce qu’elle tenait à ce que je fusse bien traitée. Elle fit marché à 35 livres sterling pour les six mois, et 50 livres si nous prenions une servante, laissant la chose à mon choix. Et pour que nous fussions bien assurées que nous ne trouverions rien là de trop dissipé, ces gens étaient des Quakers et je les en aimais mieux pour cela.

Je fus si contente que je voulus aller dès le lendemain avec Amy voir les appartements et la maîtresse de la maison, et voir comment je les trouverais. Mais si j’étais contente de l’ensemble, je le fus bien plus encore des détails. La dame, — il faut que je l’appelle ainsi, bien qu’elle fût Quakeresse, — était la personne la plus courtoise, la plus obligeante, la plus comme il faut, parfaitement bien élevée, d’humeur excellente, bref, du commerce le plus agréable que j’aie jamais rencontré ; et, ce qui valait tout le reste, si sérieuse, et pourtant si aimable et si gaie, que je puis à peine exprimer combien sa compagnie me plut et m’enchanta ; ce fut à ce point que je ne voulus plus m’en aller, et que je m’établis là dès le premier soir.

Cependant, bien qu’il fallût à Amy presque un mois pour se défaire entièrement de tous les vestiges de notre train de maison, il n’est pas nécessaire que je perde du temps à le raconter. Il suffit de dire qu’Amy quitta, dit adieu à nos anciens parages