Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

-à-dire à apprendre à danser et à se mettre en état de paraître comme une personne bien élevée. On lui faisait espérer qu’elle se trouverait, à un moment ou à l’autre, mise en position de soutenir son nouveau caractère, et de se donner une compensation pour tous ses anciens ennuis. On lui recommandait seulement de ne pas se laisser attirer dans le mariage, avant d’être sûre d’une fortune qui l’aiderait à disposer d’elle-même, non pas suivant ce qu’elle était alors, mais suivant ce qu’elle devait être.

La jeune fille comprenait trop bien sa situation pour ne pas donner toutes les assurances de ce genre, et elle avait vraiment trop d’intelligence pour ne pas voir combien, dans son propre intérêt, elle avait d’obligations de ce côté.

Ce ne fut pas longtemps après cela que, s’étant bien équipée, et suivant ce qu’on lui recommandait, bien arrangée de tout point, elle fut, comme je l’ai raconté plus haut, faire une visite à Mrs Amy, et lui faire part de sa bonne fortune. Amy feignit d’être très surprise du changement et d’en être ravie pour elle ; elle l’accueillit fort bien, la traita très honnêtement, et lorsqu’elle voulut partir, eut l’air de me demander l’autorisation et la fit reconduire chez elle dans ma voiture. Bref, ayant appris d’elle où elle demeurait, — c’était dans la cité, — Amy lui promit de lui rendre sa visite, et elle le fit. En un mot, Amy et Suzanne (car elle avait le même nom que moi) finirent par se lier intimement.

Il y avait dans le cas de la pauvre fille une inextricable difficulté, et sans cela je n’aurais pas pu m’empêcher de me découvrir à elle ; c’était qu’elle avait été servante dans ma maison : je ne pouvais en aucune façon songer à faire savoir à mes enfants à quelle sorte de créature ils devaient le jour, ni leur donner l’occasion de reprocher à leur mère sa vie scandaleuse, et encore bien moins justifier par mon exemple une conduite semblable de leur part.

Telle était ma situation ; et c’est ainsi, sans doute, que les parents qui réfléchissent trouvent que leurs propres enfants les retiennent dans leurs plus coupables actions, lors même que le sentiment d’un pouvoir supérieur n’a pas la même influence ; mais nous reviendrons là dessus.