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dans l’intérêt de son avancement présent, et pour les détails, il renvoyait à son maître, le marchand de Londres chez lequel il avait été apprenti. Pour abréger l’histoire, celui-ci donna des renseignements si satisfaisants sur l’affaire et sur mon jeune homme à mon constant et fidèle conseiller, sir Robert Clayton, que je n’hésitai pas à débourser quatre mille livres sterling, ce qui faisait mille livres de plus que ce qu’il demandait, ou plutôt proposait, afin qu’il se trouvât encouragé en entrant dans le monde mieux pourvu qu’il ne s’y attendait.

Son maître lui remit l’argent très fidèlement ; et apprenant par sir Robert Clayton que le jeune gentleman, car il l’appelait ainsi, était bien appuyé, il écrivit à son sujet des lettres qui lui donnèrent à Messine un crédit égal à la valeur de l’argent lui-même.

Je ne pouvais que malaisément me faire à l’idée que je devrais tout le temps me cacher ainsi de mon propre enfant, et lui faire croire qu’il devait tous ses bienfaits à une étrangère. Et pourtant, je ne pouvais trouver en mon cœur rien qui me permît de faire connaître à mon fils quelle mère il avait et de quelle vie elle avait vécu ; car, en même temps qu’il aurait dû se sentir infiniment obligé envers moi, il aurait dû aussi être forcé, s’il était un homme de vertu, de haïr sa mère, et d’abhorrer la manière de vivre par laquelle toute l’abondance dont il jouissait avait été gagnée.

C’est là le motif qui me fait mentionner cette partie de l’histoire de mon fils, laquelle autrement n’a rien à faire avec ma propre histoire ; mais cela me fit rêver à la manière de mettre fin à cette conduite coupable où j’étais engagée, afin que mon propre enfant, lorsqu’il viendrait plus tard en Angleterre avec une belle position et l’air d’un commerçant, n’eût pas honte de m’avouer.

Mais il y avait une autre difficulté qui me pesait bien davantage ; c’était ma fille. Je l’avais, comme je l’ai dit, secourue par les mains d’une tierce personne procurée par Amy. La jeune fille, comme je l’ai indiqué, fut engagée à se vêtir convenablement, à prendre un appartement, à entretenir une bonne pour la servir, et à se donner à elle-même quelque éducation, c’est-